Avant, au XIXe siècle ! — De la Sarthe à bien au-delà
Jusqu’à fin 2013, le département de la Sarthe est vierge d’éoliennes, disons d’aérogénérateurs produisant de l’électricité. A cette date, le seul département de tout le Grand Ouest à en être dépourvu. Pourtant, il possédait avant l’heure une lignée de Géo-Trouve-Tout. La famille Bollée !
La ville, le conseil général (voire la Région) communiquent énormément sur l’héritage inventif et entrepreneurial de la famille Bollée [1]. Hors, Ernest-Sylvain Bollée (1814-1891) — un Sarthois d’adoption, mais à la déscendance locale — se trouve être l’inventeur et un précurseur en la matière de « turbine à vent » (dite éolienne Bollée) servant au pompage de l’eau pour l’irrigation des cultures ou abreuver les animaux. Complétée en 1885 par son fils Auguste et exploité par leur successeur, l’ingénieur Edouard Lebert, elle fut produite en France de 1872 à 1933 à environ 350 exemplaires et installées principalement dans quarante-quatre départements. Environ 80 sont encore visibles. L’une fut même exposée à la cinquième Exposition universelle de Paris de 1900… et lui permit un large essor commercial.
Au Mans, tout le monde en connaît au moins une : celle de l’usine des eaux (rénovée et déplacée). Une autre (qui serait à sauvegarder) se laisse apercevoir sur la route du Mans à Rouillon [2], à la ferme des Buttes, au 115 route de Rouillon. D’autres se laissent également voir sur le département, à Arnage (Villa Beauséjour [3]), Bonnétable (rénovée, celle-ci, à proximité de la magnifique serre classée), Crosmières, au château de la Motte-Lubin… Et si vous voulez en savoir plus sur les « survivantes » (80 environ), leur localisation ou leur conservation, c’est plus bas.
En juillet 2014, les Fermiers de Loué ont fait démonter l’éolienne Bollée de Chemiré-le-Gaudin qu’ils ont rachetée aux propriétaires du château de Bellefille, Mmes et MM. Colas et Ménanteau. Là, elle avait longtemps servi à puiser de l’eau du puits pour remplir le bassin d’arrosage du potager. Un rachat effectué avec la marge dégagée sur le fonctionnement du parc éolien de Juillé-Piacé-Vivoin, et qui devrait contribuer à sauver d’autres patrimoines locaux. Nettoyée et rénovée, elle sera réinstallée à côté du siège social des Fermiers de Loué, à Coulans-sur-Gée, où elle aussi produira de l’électricité.
L’aéromoteur Bollée et son pendant, l’aérogénérateur moderne, n’ont rien des moulins à vent géants envoyés par de méchants magiciens et leurs opposants ne sont pas plus des Alonso Quichano. À la fin de son œuvre, Cervantès lui fait recouvrer la raison… et, dès lors, Don Quichotte fait preuve de la plus grande sagesse.
Quelques références. L’inventaire des éoliennes Bollée en France, c’est là : ▶. La technologie, et des adaptations, c’est ici : ▶. Archives des Amis des éoliennes Bollée, c’est là : ▶
[1] Les plus anciens se souviendront probablement de l’ancienne usine de segments Bollée, située au 99 de l’avenue du même nom.
[2] Ferme « Les Buttes », 115 route de Rouillon, c’est là : ▶.
[3] Dans le jardin de la maison de campagne d’Auguste Bollée. Elle alimentait le pavillon en eau ainsi que les dépendances, les bassins, cascades et jets d’eau du jardin longeant le chemin de halage en bord de Sarthe.
Inspirée ou pas des frères Bollée, M. Clausse, docteur et maire éphémère de Parigné-l’Evêque (disparu en 1913) concevra lui aussi une gigantesque éolienne pour l’époque. Construite en 1912, rue de Châteauroux, son hélice (aube ?) mesurait pas moins de 8 mètres de diamètre (plus une seconde, plus petite, pour l’orientation au vent de la plus grande). Juchée sur un derrick métallique, son axe culminait à 25 mètres. Elle sera hélas détruite en janvier 1939. Seule, la maisonnette abritant la pompe qu’elle actionnait existe toujours. Cette éolienne servait à puiser l’eau en profondeur et à la remonter dans deux bassins (détruits en 1978) placés derrière elle. Bassins qui alimentaient les maisons du bourg en eau courante par gravitation. Ce faisant, Parigné passe pour être une des toutes premières communes de France à avoir bénéficié de l’eau sous pression. Une carte postale (petite hélas) de cette éolienne est visible, ici : ▶, mais ce site, contrairement à notre référence ci dessous, semble attribuer la paternité de ce modèle à Édouard-Émile Lebert.
Parigné-l’Evêque au XXe siècle, Histoire de temps et d’époque, éd. Passeurs de mémoire, par le Club Amitié 3e Age (avec photo de l’éolienne en noir et blanc).
Crédit photos : SDN 72.
Droit de suite 1. La Mairie d’Allonnes, puis les Archives départementales de la Sarthe ont consacré une exposition à la famille Bollée. Cette dernière (du 30 septembre au 2 décembre 2016) étant intitulée : « Une dynastie d’inventeurs, ingénieurs et industriels au Mans ». Le catalogue des Archives privées Bollée (2 volumes et 1 DVD, 42 €) est disponible aux Archives départementales de la Sarthe, 9, rue Christian Pineau, au Mans.
Droit de suite 2. Maigné et surtout Chemiré-le Gaudin devraient accueillir une poignée d’éoliennes nouvelle génération dans les années à venir. Cette dernière commune a perdu leur ainée — brevetée Bollée — au bénéfice d’un lifting complet (voir supra) et d’une reconversion promotionnelle. Elle trône désormais à l’entrée du siège social des Fermiers de Loué à Coulans-sur-Gée et produit à son tour quelques kw/h depuis le 23 juin 2017, juste pour sa propre mise en scène (à observer de préférence de nuit). La « vieille dame » — de 124 ans — le vaut bien !
Photos ci dessous : éolienne Bollée à Sacé en Indre-et-Loire.