Septembre 2013 — Francophonie
D’entre tous les pays, la France serait le seul à avoir deux « rentrées » : la première, celle des classes, et la seconde en janvier ! En tout cas, celle de septembre 2013, c’est aussi LA sortie du film Grand central, personne n’a pu y échapper… Au Mans, c’était aux Cinéastes, et dans bien d’autres salles du département.
Scénario de R. Zlotowski et G. Macé, avec L. Seidoux, T. Rahim, D. Ménochet et O. Gourmet.
Sinon, le lieu « central » de l’intrigue n’a rien de bien singulier puisqu’il s’agit en gros de deux êtres « irradiés » d’un amour difficile, voire « illégitime » : le mari, la femme, l’amant. Là, l’intrus est dans le mobile home d’à côté… Un sujet rebattu. Une cohabitation difficile d’autant que cette promiscuité est compliquée d’une large communauté de travail en milieu à hauts risques (radioactif) qui implique la confiance, la solidarité, que ce soit sur fond d’abominables conditions de travail ou de sécurité à l’intérieur d’une centrale nucléaire ou du travail précaire en intérim. Evidemment, notre curiosité et notre intérêt étaient aiguisés.
Soyons honnête, tout ce qui nuit au nucléaire est bon à prendre. Et là, c’est réussi. Pas de catastrophisme, pas de lourde démonstration, seulement une lente intrusion dans le quotidien des travailleurs intérimaires du nucléaire, leur précarité sociale, la pression du danger, la solidarité nécessaire malgré les différends, etc. Mais aussi la prise de risque, transgresser, contourner les consignes, biaiser les sécurités et les contrôles pour améliorer le quotidien, prolonger le contrat, échapper au chômage, rester à côté de sa douce… De l’humain dans un univers qui en est totalement dépourvu. Ce film a bien évidemment déjà introduit quelques débats sur le nucléaire.
Pour les intérieurs, le film a été tourné dans l’unique centrale nucléaire d’Autriche, à Zwentendorf, qui n’a… jamais été mise en service [1] (elle est ouverte au public et aux touristes depuis 2010) et près de Cruas (France) pour les extérieurs.
Grand central, c’était d’abord un livre : La centrale, d’Helisabeth Filhol, Éditions P.O.L. (prix Télérama-France Culture 2010).
De la même veine…
Pour prendre à bras le corps (sans mélodrame sous-jacent cette fois) les conditions de travail des salariés du nucléaire et des travailleurs intérimaires, nous vous proposons un documentaire et deux livres (il y en a d’autres, mais ils restent rares).
Les hommes et le nucléaire. C’est un film documentaire de 2002 jamais rendu public, mis récemment à la disposition de Médiapart (accessible sans abonnement) par le comité central d’entreprise d’EDF. Ce dernier « avait organisé plusieurs forums sur la réalité du travail dans les centrales nucléaires. Salariés, experts du monde du travail, sociologues s’étaient rencontrés pour parler de ce qu’ils vivaient, des nouvelles organisations du travail, des pressions accrues ».
Les hommes et le nucléaire. Première partie : conditions de travail dans les centrales ; seconde partie : conditions de travail et enjeux sociaux de la sous-traitance. C’est là : ▶.
Médiapart met aussi à disposition trois courtes vidéos d’Alain de Halleux qui ne manquent pas d’intérêt. Pour lui, plus que la technologie, c’est avant tout le système économique et son corollaire, la rentabilité financière, qui créent du danger. Du nucléaire sans profit le rendrait indéniablement plus sûr ! De là à affirmer qu’à cette condition il serait fiable à 100 %, nous ne le suivrons pas jusque-là. C’est là : ▶.
Pour aborder l’univers des conditions de travail dans le nucléaire, nous vous conseillons les livres d’Annie Thébault-Mony, chercheuse de renom à l’INSERM, que nous avions invitée à la 25e Heure du Livre 2012 (c’est là : ▶. L’industrie nucléaire : sous-traitance et servitude (2000) et Travailler peut nuire gravement à votre santé, dans les bonnes librairies.
Ou encore cet autre livre de 1986, de Günter Wallraff, journaliste allemand d’investigation, sur les très dures conditions de travail des immigrés en situation irrégulière (Allemand, Blanc, il s’est grimé en Turc pour cette enquête) dans la Ruhr (mais là, pas uniquement dans le nucléaire) : Tête de Turc, Éditions La Découverte.
[1] Idem pour les Philippines. L’archipel possède une unique centrale — à Bataan — construite en 1984 à grand frais (2,3 milliards de dollars) sous Ferdinand Markos et jamais mise en service… Située près d’une faille sismique et d’un volcan actif, sa remplaçante, Cory Aquino, avait refusé sa mise en route. Le vendredi 8 novembre 2013, c’est le typhon « Haiyan » qui s’abattait sur cet archipel, avec des vents de 300 km/h…
Illustration : capture d’écran de l’affiche sur internet.