Vendredi 8 mai 2015 — Montfort-le-Gesnois
L’entreprise Macheret travaille à la marge pour Areva, mais le parcours de l’un de ses dirigeants nous prête à penser, voire à digresser.
L’avers de la médaille
L’entreprise Macheret, du nom de son créateur (décorateur de formation) Philippe Macheret, est une PME, d’abord basée à Tuffé avant de migrer à Montfort-le-Gesnois. Elle coule le bronze. Un de ses nombreux graals : la réalisation du trophée du Vendée Globe (1). Rescapée d’un redressement judiciaire, elle virevolte aujourd’hui autour d’1,2 million d’euros par an et emploie dix-sept salariés. Cette fonderie d’art travaille pour l’accastillage, le statuaire, les objets décoratifs et d’ameublement, les médailles et plaques commémoratives… (certaines plaques portant les empreintes des vainqueurs des Vingt-quatre heures du Mans, place Saint-Nicolas au Mans, sont d’elle) et de modestes et/ou prestigieux donneurs d’ordres : mairies, fédérations de sport, comices, Vinci, Valéo, Relais et Châteaux, hôtel Ritz, Ladurée…
La tranche de la…
Areva fait également partie de son carnet de clients. Pour de la breloque, des plaques, médailles, trophées et ? Nous ne jouerons pas les avertis, nous n’en savons guère plus. En cela, cette seule annonce ne mériterait pas de figurer dans notre menu « Qui fait quoi ? », notre propos est ailleurs.
Prochainement, le père fondateur (soixante et onze ans en 2015) va transmettre sa succession à ses deux descendants. Le cadet des fils, Yves Macheret, ancien cogérant d’une société d’énergie renouvelable (vous auriez plus de détails ???), se chargera de la partie technique. L’aîné, Paul, continuera à se charger de la promotion et de l’organisation qui ont propulsé l’entreprise ces deux dernière années.
L’envers…
Dans une vie antérieure (de novembre 2009 à juillet 2012), ledit Paul Macheret était responsable de la communication externe d’Areva auprès d’« Atomic Anne », le surnom d’Anne Lauvergeon.
Mise en perspective 1 : Iznogoud (un autre des nombreux surnoms d’Anne Lauvergeon), d’abord sherpa du président François Mitterrand et, dit-on (hors sujet), nommée à la présidence de Cogema par Strauss-Kahn en 1999, transforme la fusion Cogema-Framatome en groupe nucléaire public sous le nom d’Areva (propriété de l’Etat à 87 %) qu’elle préside de 2001 à 2011. Remerciée en juin 2011, elle a cédé un lourd, très lourd passif à ladite société qui accuse 5 milliards d’euros de perte en 2014 (60 % de son chiffre d’affaires) et un endettement de 4,7 milliards d’euros, pour un capital de 3,6 milliards (2). À bien moins, n’importe quelle société aurait été mise illico en faillite ! En cause, l’échec commercial et technique des EPR de Finlande et Flamanville, les délais explosés et des surcoûts énormes (multipliés par trois), la déprime du marché nucléaire mondial (Fukushima bien sûr, mais déjà avant) au Japon, en Allemagne ou aux États-Unis (les trois plus gros clients d’Areva) et, cerise sur le gâteau, l’achat d’UraMin (3). Et ne parlons pas du fiasco du SF2 (installation de stockage temporaire de combustible usé) commandé à Areva pour les réacteurs 1, 2 et 3 de Tchernobyl. Une erreur de conception majeure qui a rendu l’installation inexploitable et dont l’Ukraine obtiendra une compensation (amiable) d’environ 45 millions d’euros sur les 80 financés par les Etats voisins. Retard encore sur le RJH et enveloppe multipliée par trois (réacteur de production de radioéléments à usage médical et de recherche [quatrième génération] de 100 mW, à Cadarache). Nous n’en finirions pas de charger la mule…
Se faisant, Paul Macheret accompagnait l’abyssale plongée !
En 2013, le ministère du développement productif a aussi décerné le label d’excellence « Patrimoine vivant » à l’entreprise Macheret « pour son savoir-faire ».
Mise en perspective 2 : Le ministre en charge de l’époque n’est autre qu’Arnaud Montebourg. Longtemps élu du département de Saône-et-Loire (4), il est aussi un farouche partisan du nucléaire et a largement mouillé la marinière pour sa promotion. On devine pourquoi ! C’est le département qui accueille la fonderie Creusot Forge (Areva) à Chalon-Saint-Marcel et… son électorat ! Oui ! celle qui a forgé et usiné la cuve et le couvercle de l’EPR de Flamanville décriés aujourd’hui (idem pour Taïshan 1 et Taïshan 2 en Chine ; celle d’Olkiluoto, en Finlande, est de facture totalement japonaise). Une pièce maîtresse ! La « chaudière » est la seconde barrière de confinement de la radioactivité dans un réacteur. Son acier est aujourd’hui fortement soupçonné par l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire (début avril 2015) de ne pas résister aux chocs thermiques importants et répétés, ce qui pourrait fortement compromettre l’avenir de l’EPR et plomber plus encore les finances d’AREVA.
Echanges de bon procédés ? Les uns attribuent titres, labels et médailles, les autres les fabriquent. Fondues ou pas par Macheret, reste qu’en matière de médailles, le ministre du « Fabriquons français » en mérite une plus que tout autre, celle de premier VRP du nucléaire Made in France.
Puisqu’il s’agit ici de transmission, mon humble papa (lui aussi mouleur à la fonderie Antoigné-Chappée de Sainte-Jamme), dans ses efforts à me faire comprendre quelques proverbes et dictons, m’a souvent averti : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ».
(1) Course à la voile autour du monde en solitaire et sans escale, d’ouest en est, une année sur quatre. Départ et retour : Les Sables-d’Olonne.
(2) Début mai 2015, l’option portait sur le rachat par EDF de la seule ingénierie des réacteurs du groupe nucléaire Areva, le reléguant à son ancienne activité centrée sur le combustible nucléaire (l’équivalent de Cogema).
(3) A l’été 2007, Areva rachète pour 1,8 milliard d’euros la société canadienne d’exploration minière UraMin, propriétaire de gisements d’uranium en Afrique (Centrafrique, Namibie). Gisements qui s’avéreront stériles ou difficilement exploitables et l’opération financière suspecte, ce que la Cour des comptes dénoncera en 2011 et qui fait l’objet d’une enquête préliminaire menée par le Parquet national financier (PNF).
(4) Il a été député de la 6e circonscription de Saône-et-Loire (1997-2012), conseiller général de Saône-et-Loire (2008-2015, et président jusqu’en 2012).
Crédit photo : sans !