Dimanche 7 juin 2015, de 8 h à 18 h — à Bure (Meuse)
En 2000, notre région a échappé à un centre d’enfouissement de déchets radioactifs dans le granite, à Izé, à 10 km de Sillé-le-Guillaume, grâce à une formidable mobilisation de la population, c’est là : ▶. Commune qui sera d’ailleurs sujette à un tremblement de terre en 2012 ! C’est ici : ▶. C’est dire l’incurie de nos technocrates ! Bure, à cheval sur les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, a aussi eu cette malchance d’être retenue dans le « tri sélectif » de l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) pour être le réceptacle des immondices nucléaires d’un radieux pays : la France.
Ce 7 juin, la population de la région, leurs associations (cf. intra), appelaient leurs voisins à la rescousse pour une nouvelle étape de leur difficile et longue lutte. L’espace d’un après-midi, 1 800 opposants solidaires et « déchaînés » ont encerclé CIGEO. Avant, on le souhaite, le siège définitif !
Randos actives, festivités et ceinturage
Être éloignés et excentrés ne facilitait pas la tâche de ceux qui voulaient s’associer à cette manifestation, surtout quand ils sont salariés (retour autour de minuit dans la nuit du dimanche au lundi pour les premiers de l’Ouest). M’enfin, trois minibus (de neuf places) ont quand même cheminé de l’Ouest vers Bure, dont seulement trois Sarthois de SDN 72 et satellites de la Conf’ à bord, qui ont covoituré avec les Angevins de SDN 49 [1]. Ceux-ci avaient affrété deux de ces minibus au départ d’Angers. Mais d’autres Sarthois étaient aussi au rendez-vous du Réseau élargi, à Saintes.
Un réveil matinal a permis une escapade de notre trio à la maison de Louise Michel, à Chaumont, où il a été magistralement accueilli avant de se dégourdir les jambes sur l’une des quatre randonnées (17, 13, 8 et 5 km, encadrées de gendarmes à moto tout terrain), à la périphérie de la future poubelle nucléaire de Bure. Quatre marches convergentes, mais à l’arrivée décalées, suivies de sustentations militantes, culinaires, ablutives, sur fond d’animations festives : musicale, bien sûr, avec « les Bure Haleurs » ; chantée, avec « la Chorale révolutionnaire » de Verdun, etc., et prises de parole successives des organisateurs. Bien sûr, de nombreux stands d’information en adéquation avec le rassemblement et/ou de luttes voisines. Bien présente aussi la Confédération paysanne et ses « tracteurs » (hommes et machines) enracinés et très revendicatifs.
Apogée du rassemblement, à 15 heures, le ceinturage des installations de l’Andra par une chaîne humaine (de 2,5 km), rythmée par l’Hymne de la Résistance (Chant des partisans revisité pour cet « enterrement » de Cigéo : « Ami, entends-tu le silence de tous ceux qu’on fait taire ») lui-même alterné du vacarme des raclements des grilles entourant le site (un lointain rappel des frottements de carton sur nos rayons de vélo). Mille huit cents personnes s’y sont joyeusement donné la main. Selon l’avis général, la mobilisation connaîtrait un renouveau. Les absents du jour auront d’autres occasions d’être invités.
L’œil dans le rétroviseur
Comme à Izé (mais aussi au Bourg-d’Iré, dans le Maine-et-Loire, et à Athis-de-l’Orne, dans l’Orne évidemment, etc.), dès 1994, l’Andra avait jeté son dévolu sur ce coin perdu, dépeuplé (92 habitants à Bure, 6 habitants au km²) et économiquement négligé pour y implanter un « centre » que les nécessités de la « communication » vont progressivement qualifier de « laboratoire ». Labo dit « Cigéo » (acronyme de Centre industriel de stockage géologique, dont on a stratégiquement expurgé le mot « nucléaire »), autant dire un immense nécropole souterraine des pires déchets radioactifs (cf. intra), gageant qu’une population aussi isolée ne moufterait pas. Mais il faut se méfier de l’eau qui dort ! Au pire, comme pour les centrales, ici aussi on sait acheter les consciences. Du coup, la bourgade est maintenant [sur]équipée d’une salle polyvalente, d’un centre d’archives des documents d’EDF, d’un immense hôtel-restaurant… Par contre, on lui cachera malicieusement le potentiel géothermique du sous-sol ! [2]
La capacité de ce centre, étonnamment autorisé par décret, signé de Dominique Voynet, ex-ministre Les Verts, s’étendrait sur pas moins de 30 km2. Il permettrait d’accueillir 100 000 mètres cubes de déchets HA-VL hautement et moyennement radioactifs à vie longue et dangereux pendant plusieurs centaines de milliers d’années dans des galeries à 500 mètres sous terre (100 000 pas, 100 000 m3, 100 000 ans, vous suivez ? [cf. l’appel au rassemblement et affiche]), totalisant un linéaire d’environ 300 km. Mais de manière quasi irréversible. Une ineptie aux vu des mouvements du sous-sol, du vieillissement des matériaux enveloppant les déchets, de la concentration d’effluents gazeux qui, dernièrement, ont provoqué un incendie incontrôlable dans l’un de ces centres de stockage de déchets radioactifs dans le sel, aux Etats-Unis (le WIPP1, Waste isolation pilot plant, situé au Nouveau-Mexique). Sans compter l’amnésie des temps !
Passée une mascarade de concertation dite démocratique en 2014, la demande d’autorisation de construction du véritable centre de stockage sera déposée (sauf déconvenue d’ici là) en 2017.
Extension du domaine de la catastrophe écologique et/ou de la lutte
Tranquillement, le nucléaire colonise toute la région ! A proximité de Bure, en plus du sien, la localité compte deux autres centres de stockage situés en pied de marmite. En surface, ceux-là. L’un, à Soulaines, accueille des déchets nucléaires de faible et moyenne activité (FMA) à vie courte. L’autre, à côté, dans l’Aube également, à Morvilliers, accueille les déchets de très faible activité.
Ce n’est pas tout ! Installée en 2009, la plateforme logistique LMC (Le Maréchal Célestin) de Void-Vacon (zone du Vé), filiale d’Areva Transport, qui accueille du matériel à destination des centrales nucléaires, sert aussi désormais d’aire de repos pour des camions chargés de matières radioactives.
Enfin, le projet Syndièse de Saudron envisage de gazéifier les forêts du coin pour en faire du gazole de synthèse. Soit, 90 et 115 000 tonnes de bois par an pour alimenter l’équivalent d’un an de carburant pour 3 000 véhicules. Un projet satellite du Cigéo, financé par le Commissariat à l’énergie atomique…
La maison de résistance
La Maison de la résistance de Bure (photo) a fêté ses dix ans le week-end des 6 et 7 décembre 2014. Ruine au cœur du village, elle a été retapée par une flopée de bénévoles venus de toute part, dont un Sarthois (de cette manifestation, cf. supra) qui y a œuvré trois mois durant. Petit à petit, son confort et son adéquation avec l’objectif de se passer du nucléaire progresse. Dernière amélioration en date : un chauffe-eau solaire ! Elle est maintenant un lieu de rencontres, de réflexion, d’animation et l’épicentre de la résistance contre Bure, Soulaines et Morvilliers (cf. supra, et la liste s’allonge). Bien sûr, elle a aussi besoin d’engagements désintéressés.
Ce rassemblement était organisé par : Bure Stop 55, Bure Zone Libre, CEDRA 52, EODRA (collectif des élus opposés) et les Habitants vigilants de Gondrecourt-le-Château, et le soutien du Réseau Sortir du nucléaire.
Plus d’infos, de photos, sur la journée de mobilisation du 7 juin 2015 : ici.
Sur le projet Cigéo, nous vous conseillons au moins cette vidéo : là.
Notes
[1] Dont Martial, qui avait également assisté à la deuxième conférence-débat intitulée : « Quand les déchets nucléaires ne résistent pas trente ans dans le sol… » du 27 mai 2015, à Angers. Avec deux intervenants : le premier, Dominique Boutin, pédologue, biogéographe, « Saurons-nous tirer les leçons de l’incendie de 2014 dans le site d’enfouissement des déchets nucléaires militaires des USA à WIPP, au Nouveau-Mexique ? », et le second, Bernard Cottier, physicien, citoyen écologiste, « Les luttes victorieuses contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires dans le Segréen, de 1987 à 1990, et les luttes contre Cigéo ».
[2] Le sous-sol de la région a finalement révélé un gros potentiel géothermique. La prospection avait bien été faite pour les nécessités de l’enquête publique, mais il sera largement minimisé. Sciemment, fort probablement. En cause, des problèmes techniques de forage dont on vous laisse apprécier la pertinence compte tenu de la règle fondamentale de sûreté n° III-2-f de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire), adoptée le 10 juin 1991 : « Les sites retenus [pour le stockage définitif de déchets radioactifs en formation géologique profonde] ne devront pas présenter d’intérêt particulier du point de vue [de la géothermie et du stockage de chaleur] ». CQFD !
Le 26 mars, le TGI de Nanterre a estimé « irrecevables » le recours de six associations (procès du 5 janvier 2015, dont le Réseau SDN) au prétexte que « ce sont aux autorités publiques d’apprécier le contenu de l’étude ayant conduit à la qualification du potentiel géothermique ». Autant demander à ces trois juges et parties (Cigéo, Etat, Justice) de se tirer une balle dans le pied. Les associatons déboutées ont fait appel.
Addendum : la semaine suivant ce rassemblement, la commission d’enquête publique donnait un avis favorable à la demande d’Areva d’augmenter les capacités de stockage de Beaumont-Hague de 12 636 conteneurs (actuellement de 16 740) ignorant complètement l’opposition du CRILAN (Comité de réflexion d’information et de lutte anti-nucléaire) et des riverains.
Photo : SDN 72. Affiche : collectif des associations opposé à Cigéo -Bure