Lundi 23 novembre 2015 — à La Flèche
Lundi 23 novembre (mais aussi mardi 24 et mercredi 25), la « tracto-vélo », partie de Notre-Dame-des-Landes via Paris et la COP 21 au Bourget, traversait notre département. Une caravane et son peloton ô combien éloignés de la très marchandisée « Grande boucle » estivale et ses troubles à l’ordre public concernant le dopage. Le soir, l’onirique chevauchée de tracteurs, de vélos et son intendance faisait étape (1) à La Flèche, salle Printania.
Le temps de sustentation passé, deux causeries sur fond de Cop 21 étaient aussi au menu, sur NDDL évidemment, et… sur le nucléaire.
L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et la « Tracto-vélo »
Par Camille et Camille (2)
Pour le premier « exposé », le duo Camille au féminin et Camille au masculin ont brièvement présenté l’historique de l’écocide, menace qui pèse sur cette zone humide (3), l’organisation de la « tracto-vélo » et son lien avec la conférence sur le climat, le contexte et les enjeux et pressions actuelles à NDDL. Mais aussi, les différents projets agronomiques des zadistes… et les nécessaires jonctions des mobilisations contre les autres grands projets inutiles et imposés : Roybon-Chambaran (Center Park), Sivens (barrage)…
Bien sûr, les obstacles répressifs, suite à un premier blocage de la caravane par les gendarmes sur la départementale 723 autour d’Anetz (Ancenis) et la notification d’interdiction de manifester en Île-de-France (cf. en fin d’article), seront questionnés. Les perspectives des jours à venir itou (4). Plus politiques aussi, les enjeux et la lutte actuelle de NDDL, à l’aune de la sanguinaire actualité du vendredi 13 novembre et de la toute nouvelle instrumentalisation répressive offerte par l’état d’urgence ! Paradoxalement, les velléités d’évacuer la ZAD manu militari pourraient s’en trouver différées, faute de moyens « humains » (la langue a parfois de ces contresens !).
Brutal revirement ! Dès le 25 novembre, la société AGO, Aéroports du Grand Ouest, filiale de Vinci, engageait les premières procédures d’expulsion devant le TGI de Nantes en assignant en référé les habitants de onze maisons et de quatre exploitations agricoles situées sur la zone d’emprise du projet de NDDL.
Le nucléaire ne sauvera pas le climat
Par Martial Chateau
Faire le lien avec le projet d’aéroport de NDDL et tous les grands projets inutiles imposés (5) qu’on retrouve aussi dans le nucléaire relevait d’une figure imposée ! Les plus évidents cités par l’orateur : l’ICEDA (6-1) [cf. note commune aux autres sigles à venir] de Bugey entre Lyon et Genève (classé INB, installation nucléaire de base), lieu devant recevoir les déchets des premières centrales nucléaires dont, entre autres, le graphite-gaz des trois anciens réacteurs de la filière UNGG uranium naturel graphite-gaz de Chinon ; CIGEO (6-2), centre d’enfouissement bien avancé et pourtant sans existence légale ni d’autorisation de chantier ni de déclaration d’utilité publique, mais régulièrement réintroduit à l’Assemblée par des parlementaires nucléocrates ; ITER (6-3), à Cadarache (lieu déjà cité), prototype international de recherche sur la fusion nucléaire ; ASTRID (6-4), une sorte de jumeau de SuperPhénix, arrêté en 1997, qui a coûté la bagatelle de 50 Mds de francs au pays ; LMJ Mégajoule, au Barp, au sud de Bordeaux, du nucléaire militaire (simulations en vue de pérenniser et d’optimiser les « performances » de l’arme nucléaire, en dépit du traité de non-prolifération des armes nucléaires paraphé par la France) ; les EPR (6-5) de Flamanville, Finlande, Chine et, prochainement, Hinkley Point en Grande-Bretagne… Une énumération qui reprenait seulement quelques-uns des travers (coût, vulnérabilité, dangerosité) de chacune de ces installations, sans pourtant s’y attarder au risque d’y passer des plombes…
L’argumentation concernant le nucléaire comme « fausse solution au réchauffement climatique » reprenait, en plus contractée ici, une récente intervention de Martial Château (7) à la librairie Thuard. Nous vous y renvoyons ! (c’est là : ?).
L’intervenant s’est évidemment employé à reconsidérer l’énorme désinformation sur le nucléaire en France, dédoublée à l’occasion de la COP 21. Par ses sponsors d’abord : EDF, qui véhicule d’inopportunes publicités — mensongères — sur son électricité produite « bas carbone » ou à 98 % sans CO2 (le Réseau SDN à d’ailleurs porté plainte devant le jury de déontologie publicitaire et le TGI de Paris) ; Engie (ex-GDF-Suez) et autres multinationales très impliquées pour promouvoir le nucléaire comme solution à la crise climatique, etc. Non seulement le nucléaire génère énormément de CO2 favorisant l‘effet de serre lors de l’extraction d’uranium et aussi pour sa transformation, les transports, le soi-disant recyclage à La Hague, les très lourdes constructions et démantèlements des réacteurs et la gestion des déchets, mais aussi en production via les systèmes réfrigérants. Si l’AIEA, Agence internationale à l’énergie atomique, ne reconnaît que 16 g de CO2 par kWh, la moyenne des études, elles, l’estiment autour de 66 g. Mais les centrales rejettent aussi régulièrement et massivement du tritium radioactif dans l’environnement et des polluants chimiques importants : sodium, chlore, acide borique, ammoniac, agents anticorrosion, antioxydants, phosphates, sulfates…
L’électricité nucléaire n’avoisine que 2 % de l’énergie finale mondiale consommée alors que 75 % des gaz à effet de serre émanent des transports, de l’agriculture… Escompter un début d’impact du nucléaire pour contribuer à limiter le réchauffement climatique à 2° conduirait à multiplier par 9 ou 10 le nombre des réacteurs actuels. Soit 4.370 au bas mot ! Un scénario technologiquement et financièrement impossible, redoutable pour la sécurité, l’écologie, la santé publique, l’urgence climatique… et pour les générations à venir qui auront à gérer, rien qu’en France et selon l’ANDRA, Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, des volumes de déchets multipliés par 3 d’ici 2080 pour atteindre 4,3 millions de tonnes ! Enfin, sa compétitivité est elle aussi mise à mal par des coûts croissants alors que les renouvelables ne cessent de diminuer.
Concernant le nucléaire, il est bien sûr impossible de faire l’impasse sur les accidents : Maïak en 1957 (classé 6 sur l’échelle INES) ,Three Miles Island, Tchernobyl, Fukushima. L’abjecte solution japonaise a fait passer les normes admissibles pour la population, actuellement de 1 mls/an en France, à 20 mls au Japon ! Rappelons que, officiellement, l’énergie nucléaire n’est pas considérée comme inoffensive mais que ses méfaits sont estimés supportables jusqu’à cinquante morts supplémentaires par million d’habitants. Un pourcentage de morbidité jugé négligeable, rapport à ses bienfaits.
Actualité oblige, l’orateur a aussi évoqué les risques terroristes sur les centrales et leurs piscines, les survols de drones, les armes nucléaires et les risques de prolifération par la vente de centrales nucléaires, dites civiles, mais générant du plutonium potentiellement réutilisable pour des usages militaires. L’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes et bien d’autres Etats peu recommandables sont sur les rangs (n’oublions pas leur voisin, Israël, qui aurait déjà 115 têtes nucléaires, et un autre proche voisin, l’Iran).
La tête dans les étoiles, le nez dans le guidon
Le convoi faisant « Cap sur la COP » est reparti le lendemain matin, toujours sous la pluie, pour l’île Moulinsart à Fillé-sur-Sarthe (8), lieu de restauration des pédalistes. La seconde halte leur fera rencontrer « Les amis et riverains de Béner » et les jardinomilitants de le JAD (Jardin à défendre, entre Le Mans et Yvré-l’Evêque), lieu impacté par un projet d’implantation d’un ensemble commercial comportant : hypermarché Leclerc, Ikéa, galerie marchande (de 50 à 60 boutiques), restaurants, parking, station-service et lavage, retail park… sur 30 ha. Le point presse terminé, retour sur le tarmac autoroutier, direction Sainte-Corneille, où le chevrier bio local Eric Cailhau et de nombreux bénévoles y accueillaient tous ces moutons noirs « anti-Ayroport ».
Étapes à venir : Sainte-Corneille, Nogent-le-Rotrou, puis Chartres et Saclay, un temps interdites. L’accès à l’Île-de-France leur avait aussi été interdit, ils parviendront pourtant à pique-niquer sur la place d’Armes, devant le château de Versailles. Une partie se mêlera aussi à la « non-manifestation » du 29, à Paris.
(1) Cinq tracteurs, dont un avec plateau embarquant la cabane d’accueil, environ deux cents cyclistes de tout âge (parfois) en relais, plus un staff logistique (cuisine mobile intégrée…), c’est là : ▶.
(2) Certains des militants de NDDL s’efforcent, et c’est bien leur droit, de rester anonymes, de ne pas être photographiés ou filmés, de ne pas faciliter leur fichage par les renseignements. Camille est le pseudonyme de l’ouvrage collectif Le petit livre noir des grands projets inutiles aux éditions sarthoises Le Passager Clandestin et prénom générique occasionnellement employé sur la ZAD NDDL, évitant toute personnalisation et « flicage ».
(3) Qu’une intervention venue du public datera d’avant celle de la mythique lutte du Larzac !
(4) Les attentats et l’état d’urgence fournissant une bonne excuse pour museler le mouvement, le député-maire, M. Guy-Michel Chauveau, et sa municipalité ne se sont pas départis de cette posture pour entraver l’accueil du tracto-vélo. Refus (en premier temps) d’un prêt de salle, qui, au final, sera payant, et de lieux d’hébergement…
(5) Désormais dénoncés tous les étés par un rassemblement sur le site de NDDL. Lieu qui, chaque année, accueille des stands de la mouvance antinucléaire, dont le réseau SDN, souvent animé par des militants sarthois.
(6-1-2-3-4-5) ICEDA, Installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés (site potentiellement inondable). CIGEO, Centre industriel de stockage géologique (ventilation et aération pour chaleur et accumulation d’hydrogène). ITER, International thermonuclear experimental reactor, en français : « réacteur thermonucléaire expérimental international ». ASTRID, Advanced sodium technological reactor for industrial demonstration, projet franco-français, comme son nom ne l’indique pas. LMJ, Laser Mégajoule. EPR, European pressurized reactor, ou réacteur pressurisé européen.
(7) Régional et coorganisateur de cette étape, il est d’abord militant et coprésident de SDN 72, mais aussi administrateur du Réseau Sortir du Nucléaire et l’un de ses porte-paroles.
(8) Ce moulin est devenu hydroélectrique en 2011 ?. Fillé est aussi la première commune sarthoise qui a promu et accueilli une ferme solaire, c’est là : ? (avant Allonnes à quelques kilomètres, c’est là : ?).
Photo : SDN 72, affiche et tract : NDDL.