Samedi 12 décembre 2015, de 9 h à 18 h — Paris
Etat d’urgence oblige (surtout le pouvoir !), cette manifestation organisée à l’appel de la Coalition Climat 21 (1) était interdite. Pourtant, manifestations sportives, marchés de Noël (2), etc. étaient autorisés ! Aux dernières heures, dans une ultime « libéralité », le ministre de l’intérieur B. Cazeneuve (3) — que nous connaissons, nous antinucléaires, pour avoir longtemps été premier magistrat d’Octeville, puis de Cherbourg-Octeville, président de la communauté urbaine et chantre local de l’industrie nucléaire militaire et civile de tout le Cotentin — concédera une minuscule fenêtre de permissivité contrôlée, plus pour soigner une légitimité démocratique d’un pouvoir en difficulté que permettre à la vox populi de s’exprimer pleinement.
Privée d’un inaliénable droit théorique d’expression citoyenne, la mobilisation sur la COP 21 de Paris-Le Bourget s’est tout de même donné à voir et à entendre, envers et contre tout. Mais, à une jauge réduite, savamment « gérée » par un pouvoir glissant en mode autoritaire.
État d’urgence : pour qui ? pour quoi ?
L’état d’urgence a fini par imposer son diktat. Un temps (cf. plus loin) ! Remisés les calicots. Remisés les panneaux. Remisés les slogans. Remisés les tracts, affiches, déguisements, humour, imagination, joie… Remisées les actions plus engagées à proximité du Bourget. Décommandées les réservations de bus (quatre, en première estimation pour la Sarthe) et sabotée la mobilisation massive pour un avenir décharbonné, décarbonné, désatomisé, covecteurs du réchauffement climatique de la planète. Attentats et opportunisme politique auront donc eu la main, et la poigne, sur ce qui devait être une immense démonstration d’intérêt porté à la pérennité de notre — unique — planète.
Retournement
Finalement, une manifestation aura quand même lieu. Autorisée, mais d’une permissivité savamment calculée ! Tolérée, à la fantaisie du pouvoir. Bridée ! Balisée ! Réduite ! Moins festive. Moins diaprée. Un brin défaite ! Sans aucune mesure avec le rassemblement qui devait être le plus démonstratif de la quinzaine. Loin de notre souhait de mobiliser plusieurs centaines de milliers de militant.e.s de tous âges, couleurs, sexes, genres, pays. Divisée par dix !
Déroulé de la journée
Pourtant, deux à trois dizaines de milliers de valeureux volontaires, obstinés, féconds, créatifs ont voulu affirmé qu’au bout du bout de cette conférence climat, « c’est EUX qui auraient le dernier mot ». Les réjouissance ont commencé dès le matin en des lieux et sous de multiples formes reflétant la cohérence et la diversité des engagements, comme la fresque humaine « on line » (cf. intra) ou des ensembles vocaux au Trocadéro (Chant des partisans, Bella Ciao… et slogans bien sentis), pour n’en citer que deux, pour se poursuivre, dès midi, entre l’Arc de Triomphe et la Défense.
Le rendez-vous des antinucléaires est avenue de la Grande-Armée. Nous n’y sommes pas les seuls, c’est un rendez-vous climatiste, pas spécifiquement antinucléaire ! Mais l’affirmation que « le nucléaire ne sauvera pas le climat » s’y est bien fait voir et entendre. C’est aussi un des points de départ de notre grande armée à nous, qui se veut sans haine, sans armes, sans vi-o-len-ce (texte de HK et les Saltimbanks, cf. plus loin). Mais aussi sans grade, sans chefs, sans moyens… sans dérapage ni volonté d’en découdre. Une volonté respectée cette fois (à la différence du 29 novembre). La détermination chevillée au corps, forte et ferme, transgressive, non violente, en désobéissance.
Petit à petit, le décor s’est planté. Couleur dominante : le rouge. Une préconisation, déclinée sous toutes les formes, vêtements, parapluies, écharpes, panneaux, banderoles, oripeaux : rouges, magenta (les quelques bonnets rouges symbole d’opposition à la taxe carbone se font gentiment charrier) ! Rouges également deux interminables draperies-rubans tendus au sol, parsemés de tulipes (cf. nos photos) qui flotteront ensuite au-dessus de la manifestation quand elle s’ébranlera. Plus aérienne et flottante, une longiligne banderole rouge incrémentée de lettres blanches, portée à plat au-dessus des têtes, est pour l’heure indéchiffrable (cf. plus loin). Signifiant de tout ce fatras : les lignes rouges rappellent aux dirigeants les limites qu’ils ne doivent pas franchir dans les négociations pour minimiser les effets du dérèglement climatique. Une résurgence ! Ces « Red Lines » avaient été imaginées pour encercler le site de la Cop 21, au Bourget ! Possibilité d’une symbolique zone de quarantaine bien évidemment interdite.
Des cornes de brume annoncent un temps de recueillement. Temps de silence, bras levés et tulipes à la main (pour les plus chanceux), pour « rendre hommage aux victimes passées et futures du changement climatique ». Le cortège s’ébranle. L’heure de l’apéritif est passée. Pourtant, d’immenses dés (?), Apéricubes (?) ou glaçons métallisés (pour refroidir le climat ?) virevoltent au-dessus d’innombrables bras tendus qui ignoraient volleyer un jour sur les artères parisiennes. Ils tournebouleront sur tout le parcours. Chacun y va de son savoureux slogan, de sa chansonnette ajustée à l’évènement. D’entre tous, le tonitruant slogan « What do we want ? Climate justice now ! » (Que voulons-nous ? La justice climatique maintenant !) sera le plus repris et avec constance.
À la verticale, l’helico de la gendarmerie vibrionne et tourne en boucle, ses caméscopes également. Au sol, leurs forces s’inventent d’inutiles gestions des flux de manifestants. Le défilé s’étire via le Trocadéro. D’en haut, le message sur les énergies fossiles de l’interminable banderole portée au-dessus des têtes apparaît alors clairement : « It’s up to us to keep it in the ground » (Il n’en tient qu’à nous de les laisser dans le sol). La rando se stabilise pour un sit-in au pied de la Dame de Fer (5), au son des batucadas, chants et autres jeux de percussions. Puis, le Champ-de-Mars s’offre pour une ultime chaîne humaine. Hélas, un sérieux filtrage (palpation, fouille des havresacs) va entraver la répétition des ribambelles et en priver beaucoup de la partie festive avec HK et les Saltimbanks et des déclarations à venir sur le podium, à deux pas du Mur pour la Paix. Nous profiterons quand même de l’incontournable « On lâche rien… », suivi des prises de paroles successives de Geneviève Azam, d’Attac, qualifiant de « miteux » l’accord de la Cop 21 (présenté comme « historique […] ambitieux […] équilibré et contraignant » par son président, Laurent Fabius [3 bis]), suivi de Naomi Klein, d’un paysan colombien de la Via Campesina et, pour finir, de Juliette Rousseau, porte-parole de la Coalition Climat 21.
Ce dernier discours sonnera l’heure du retour des provinciaux. Demain (le 13) sera un autre jour. Un jour de mobilisation, au Mans, c’est là : ? !
Fresque humaine : Climate, justice, peace
Un groupe de Sarthois a également participé à la grande fresque humaine dans les rues de Paris. Soit un rassemblement d’au moins 3000 personnes déployées dans les rues de la capitale, reproduisant le message géant « Climate », « Justice » et « Peace » grâce à un système de géolocalisation, de 1152 points-adresses pré-déterminés, via leurs Smartphone, tablettes, GPS éclairés et dirigés vers le ciel. Une opération à ne pas prendre au pied de la lettre mais qui nécessite plus que d’ordinaire de prendre de la hauteur, rapport à l’évènement… Un message « online », visible uniquement sur internet, c’est ici : ? .
La semaine de l’av-a-ent
Quelques Sarthois ont également fait le grand écart entre le samedi 5 et le samedi 12. Avec d’autres locaux de passage, on a pu les retrouver dans des ateliers d’entraînement à la non-violence active et de désobéissance civile au Cent-Quatre-Paris, lieu de création d’envergure internationale, point central de nombreux débats et de la mobilisation citoyenne, qui a accueilli la Zone d’action pour le climat (ZAC) et le quartier général de la Coalition climat 21. Voire dans diverses interventions sur le terrain. Retenons en deux : l’intervention festive du 9 décembre, à l’agence Opéra de BNP-Paribas (4), sponsor officiel de la COP 21 qui investit notoirement dans le charbon, de Kaddour Hadadi (chanteur du groupe HK & Les Saltimbank) et de José Bové avec 250 activistes anonymes entonnant un des « tubes » détourné d’HK, BNP : « Banque, niquons la planè-è-te » (vidéo ici : ?), et celle de la remise par le Réseau Sortir du nucléaire du trophée Supermenteur 2015, dans la catégorie greenwashing (5) à EDF (un arbre à pinceaux ripolinés en vert) dans son agence EDF Opéra, qui distingue les entreprises qui « s’autoblanchissent en employant un discours de développement durable ». La vidéo est là : ?. Ce dernier prix s’inspirant lui-même du prix Pinocchio des Amis de la Terre, une petite visite s’impose : ?.
Village mondial des Alternatives de Montreuil, le week-end des 5 et 6 décembre
Là encore, des têtes locales se sont croisées dans les forums (6), attractions, expositions techniques et militantes en tout genre, et dans les stands, à l’exemple des Amis de la Confédération paysanne ou celui d’ Attac… pour n’en citer que deux. Certain.e.s se sont même risqué.e.s dans leur trombinoscope, quand d’autres testaient les 196 chaises (6) « réquisitionnées » de-ci de-là dans des actions d’occupation de banques, résultat de l’« Appel à réquisition citoyenne de 196 chaises » lancé avant la COP 21 et soutenu par 77 personnalités, parmi lesquelles : S. George, P. Viveret et E. Morin…. Des sièges mystérieusement réapparus dans cet insolite village pour recevoir les 196 représentants d’ONG, de peuples autochtones et de réseaux militant pour la justice climatique venus de quarante pays. Les bricoleurs créatifs ou simple curieux pouvaient aussi participer aux ateliers « pratico-pratiques » (décoration de banderoles, pancartes, pochoirs, masques) à la maison-jardin d’Alice, de Montreuil (résidence d’artistes) ; ils ont largement contribué aux décors et à la communication visuelle du village.
Des lendemains qui s’échauffent ou qui chantent ? C’est à nous tous d’en décider !
La Cop 21 n’aura été qu’une vaste supercherie, sans avancée probante, à la solde des lobbies et multinationales charbonnées, carbonées, atomisées et de politiques complaisants et/ou complices, voire ponctuellement intéressés à se re-crédibiliser.
Les temps changent, constate Erri De Luca dans son livre Paroles contraires, aux éd. NRF Gallimard : « C’est ainsi, ils changent toujours et l’accordéon des droits se resserre parfois jusqu’à rester sans souffle. Mais ensuite les bras s’étirent et l’air revient dans le soufflet. »
La COP 21, c’est la 21e conférence des parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la 11e conférence des parties siégeant en tant que réunion des parties au protocole de Kyoto (CRP-11), dite aussi Conférence de Paris 2015.
(1) Les organisations participant à cette Coalition Climat 21 sont ici : ? à venir? Evidemment certaines ont participées plus que d’autres. Hommage à elles, hommage à toutes !
(2) « Balustradé » au Mans, en mode lice castrale, ouvert aux passants sur l’avenue des Champs-Elysées…
(3) Mais aussi ancien conseiller général, deux fois député de la 5e circonscription de la Manche, ministre délégué aux affaires européennes puis ministre délégué au budget avant de remplacer Jérôme Cahuzac, démissionnaire, à l’intérieur… Et fabiusien !
[3 bis] Fabius : un chaud partisan d’un deuxième EPR dans la Haute-Normandie d’à côté (à Penly, près de Dieppe) et ci-devant grand orchestrateur de cette 21e esbrouffe climatique, et ce jusqu’à la COP 22, qui se tiendra à Marrakech à partir de la fin novembre 2016.
(4) Où tournoie, au premier étage, comme un symbole, une clinquante éolienne à axe verticale.
(5) Le prix Pinocchio, catégorie greenwashing, lui a également été décerné pour son lobbying et son impact négatif sur les communautés locales. Prix attribué depuis 2008 par les Amis de la Terre, en partenariat avec le Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID), Corporate Europe Observatory et Peuples solidaires-ActionAid France. En savoir plus sur : ?.
(6) 196 ! Comme autant d’états siégeant à ce sommet de la Cop 21.
Photo : SDN 72. Quelques ffiches de la Coalition Climat (cf. ci-dessou).