Tchernobyl + 30 : anniversaire sans gâteau devant Ionisos à Sablé-sur-Sarthe


Samedi 23 avril 2016 — à Sablé-sur-Sarthe (devant l’usine d’irradiation Ionisos)

Le temps calendaire n’est pas toujours le temps militant. Cette année, le groupe SDN 72 avait donc choisi d’avancer la commémoration du trentième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl du mardi 26 avril, officiel, au samedi 23 avril et de la « dépayser ».

Cet événement était pluriel et avait des airs de matriochkas, les uns s’emboîtant dans les autres. Des poupées russo-ukrainiennes en la circonstance. Il consacrait à la fois le sordide Tcherno-day, trentième du genre ; pointait la seule entreprise nucléaire de la Sarthe : Ionisos ; tout en communiquant sur trois prochains rendez-vous : un atelier radiamétrie (compteur Geiger), une conférence sur l’irradiation (une prestation proposée localement par la Sté Ionisos) ; l’appel au rassemblement antinucléaire des 1er et 2 octobre 2016, à Flamanville.

Ionisos, la contestation antinucléaire ne rompt point !

Tcherno devant Ionisos 2016Plus de vingt-cinq antinucléaires étaient de ce rendez-vous sarthois, décentralisé à Sablé-sur-Sarthe, au rond-point de la zone de l’Aubrée [1]. Ville évidemment choisie pour héberger, depuis 1993, la seule INB (Installation nucléaire de base, n° 154) de la Sarthe [2] : l’entreprise Ionisos, située à proximité de ce giratoire. Cette société est prestataire en irradiation (même si elle préfère le terme plus neutre de ionisation…) : aliments, cosmétiques, matériels et matériaux chirurgicaux, etc. Actuellement, 70 % de l’activité, selon son directeur (cf. Ouest-France, intra). On ne demande qu’à le croire, mais pas seulement sur paroles ! Le marché a évolué, mais l’implantation historique du site de Sablé (et de Pouzauges, près de Nantes), avait été bien retenu pour sa proximité avec des entreprises et des laboratoires de l’agro-alimentaire… Et Ionisos, c’est aussi cinq sociétés (plus une en Espagne et une autre en Chine). On sait aussi que les activités peuvent se spécialiser sur tel ou tel site et opérer en synergie, et que les viandes blanches supportent mieux l’irradiation que les viandes rouges. Le choix technique de l’irradiation implique aussi des risques d’accidents, de fonctionnement, de transport de matière radioactive, de rejets d’ozone dans l’atmosphère, et elle produit dans les aliments des radicaux libres formant des molécules indésirables et cancérigènes en se recombinant, là ou le traitement par rayons X serait moins dangereux, sans produire de déchet.

Simple occupation de rond-point, cette fois. Nos informations éclairs à proximité de l’établissement nucléaire glissées par les fenêtres des automobiles aux angles des cinq rues dispersées en étoile en a interloqué plus d’un.e ! « Non ! nous ne savions pas ! », ou encore : « J’ai découvert ça dans le journal » (intra). Pourtant, nous avions déjà manifesté, plus nombreux, devant cette entreprise en mars 2005, c’est là : ?. Ce qu’avait d’ailleurs rappelé le journal Ouest-France le jeudi précédent, photo à l’appui.

La presse, à l’ouest

Car, en effet, avec l’annonce de notre manifestation, Ouest-France a consacré un bon tiers de la page locale de la ville de Sablé-sur-Sarthe à cette « verrue » méconnue de la ville (mais aussi Les Nouvelles de Sablé – l’Écho). Le premier article est consacré à une visite virtuelle pilotée par le directeur du site, Philippe Palvadeau (évoqué supra) dans les entrailles de Ionisos. Avec, évidemment, les éléments de langage techniques, sécuritaires et sécurisants ad hoc qu’on devine. Étonnamment, cette fois, le directeur s’est prêté au jeu des questions/réponses avec le quotidien, exercice qu’il avait refusé aux journalistes et caméras de l’émission L’enquête des Docs du Dimanche, diffusée le dimanche 15 mars 2015 sur France 5, sans doute présumée plus « fouille-merde ». Documentaire intitulé Aliments irradiés, mauvaises ondes dans nos assiettes ?, c’est là : ?. Le second article retraçait des interviews croisées du coprésident de SDN 72, Martial Château, et du susdit directeur de l’établissement, et aussi — glissé insidieusement (ou malicieusement ?) — un rappel de l’industriel au respect des protocoles (lié à un incident) émis par l’ASN (Autorité de sureté nucléaire) dans un rapport antérieur.

Un article révélant la particularité de cette société et sa présence sur le territoire de ses lecteurs qui ne va pas manquer de les interpeller. Dans sa chronique Les craquants de Sablé du samedi 23, Ouest-France fait état de ces retours et conclut : « L’article consacré à Ionisos a, d’ailleurs, été le plus consulté de la semaine sur notre page Facebookouest-france/sable ».

Trentenaire explosif oblige, le quotidien régional (comme tous les autres titres) est revenu plus que d’habitude sur Tchernobyl, et pas seulement le jour anniversaire. Observation qui vaut aussi pour les turbulences autour de l’industrie nucléaire en général, qui prête largement le flanc actuellement avec la ribambelle de casseroles que la filière traîne a ses trousses [3]. On a même observé une prise de distance inattendue du « propriétaire » spirituel du titre et homélisant éditorialiste du samedi — François-Régis Hutin — dans son billet du 30 avril. L’humaniste, chrétien-démocrate, pourfendeur de la peine capitale, aurait-il pris tardivement conscience de l’irréversible morbidité induite dans cette technologie militaire et civile ? Aurait-il, soudain, élargi sa compassion aux « prisonniers » du nucléaire ?

Aff EDF centrale cascadeLe lundi 25/4/2016 (et pas seulement), O.-F. publiait pourtant une pleine page de publicité d’EDF (cf. ci-contre) qui ne manque pas d’estomac… Ça ne fait pas de la rédaction de O.-F. une obligée de son annonceur, mais elle n’en fait pas, non plus, le parangon d’une vertueuse indépendance ni d’aucun assujettissement économique. Le quotidien nous avait déjà vendu son impartialité sur le dossier NDDL au lendemain de la publication d’une publicité-pétition en faveur du projet commandité par le conseil régional des Pays de la Loire (autrement dit, avec l’argent des contribuables). C’est toujours bien d’affirmer son indépendance, mais à SDN 72, on s’attache aussi aux preuves.

Tchernobyl et ISF 2

Le corps en étau. Troisième décennie pour cet accident sur le réacteur n° 4 (de type RMBK) de Tchernobyl [4]. Même les natifs post 86 connaissent ce désastre incommensurable sur lequel il est facile de se documenter sur la toile et dont la doxa en a retenu l’apophtegme « le nuage (radioactif) de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière » (propos arrangés, certes, mais néanmoins tout aussi criminels dans la version originale) du professeur Pellerin du SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants), pour imager, parmi les plus énormes, LE mensonge national. Nous n’y reviendrons pas, cette catastrophe est largement chroniquée ailleurs… Infiniment moins l’hécatombe humaine que l’URSS a tout fait pour étouffer (bien relayée en cela par les Etats nucléarisés), en commençant par n’en tenir aucun registre. La fourchette retenue aujourd’hui est de 600 000 morts (pour les plus « optimistes ») à 900 000 pour les études les plus vraisemblables ! Et la désinformation poursuit son œuvre avec l’air de ne pas y toucher. Ainsi, parmi de nombreux documentaires de qualité, en a-t-on vu se glisser au moins un, tout à la gloire des programmes post-Tchernobyl ; Ethos [5] et Core [6] (cf. notre tract Fukushima, ici : ?) le 26 avril, sur Arte, et, à la meilleure heure d’antenne… : Tchernobyl, Fukushima : vivre avec. Des programmes visant rien moins qu’à minimiser l’impact des accidents nucléaires et, in situ, à s’en accommoder par défaut, pilotés par le CEPN (Centre d’études sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire). Un centre composé de quatre membres : EDF, la Cogéma (membre du groupe Areva), le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), ni plus ni moins, le lobby nucléaire français auxquels se sont agrégés, plus tard, une kyrielle de spécialités qui font autorité dans des domaines scientifiques variés : l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), l’UTC (Université de technologie de Compiègne), Mutadis (gestion sociale du risque), etc. Plus de renseignements ici : ? .

La communauté de l’arche L’arche de confinement en acier qui viendra coiffer l’ancien sarcophage du réacteur (prévu pour 2012) est toujours en cours de construction et pourrait être terminée courant 2017. A la manœuvre, NOVARKA, détenue à parts égales par deux sociétés françaises du BTP : VINCI Construction Grands Projets (Vinci : celui du stade MMArena, passé de 50 à 104 millions d’euros) et Bouygues Travaux Publics ! Son coût, estimé à 840 millions d’euros, est passé à plus de 3 milliards, financés par les contributions de vingt-huit pays (comprendre : les contribuables de chacun d’entre eux).

Chargeons encore la bourrique ! Achevons le cheval nucléaire avec cet autre monumental fiasco peu médiatisé d’Areva à Tchernobyl, nommé ISF 2 [7] (qui n’a rien à voir avec l’impôt sur la fortune, mais qui en a bel et bien coûté une, et pour rien !). Il s’agit de deux ouvrages d’art commandés par l’Ukraine à Areva. Un premier bâtiment où les combustibles usés hautements radioactifs des réacteurs 1, 2 et 3 devaient être « séchés » puis conditionnés dans des emballages métalliques étanches. En second, une sorte de big columbarium nucléaire en béton (un double linéaire de plusieurs centaines de mètres, percé de niches cylindriques) bâti à seulement 2,5 kilomètres des ruines du réacteur n°4, devant accueillir lesdits emballages durant un siècle. Il sera stoppé pour « défaut de conception remettant en cause la sûreté en fonctionnement du centre de stockage » par l’Ukraine, trois ans après le lancement des travaux. Devisé à hauteur de 80 millions d’euros, on ne sait à quelle valeur la réparation du préjudice pour malfaçon a été négociée ! Rappeler à présent cet autre ratage de l’installation de « dépollution » des eaux radioactives de Fukushima serait tirer sur l’ambulance…

Pour autant, l’ex URSS n’en a pas fini avec les accidents nucléaires. Passons à l’arbre qui cache la forêt : Tcherno bis !

Tcherno bis (11/9/1991, sur le réacteur n° 2)

Après l’accident du réacteur n° 4 de Tchernobyl, paradoxalement, les trois autres réacteurs ont continué à fonctionner de nombreuses années (ces trois tranches ont été arrêtées respectivement en octobre 1991, novembre 1996 et décembre 2000), au mépris de la santé et de la sécurité des opérateurs. Le 11 octobre 1991, le monde a frôlé une nouvelle catastrophe suite à un incendie du réacteur n° 2, qui a entraîné une accélération incontrôlée de la turbine induisant des vibrations telles qu’elles ont provoqué l’effondrement du toit et des dégâts dans les pompes d’alimentation hydraulique, puis la surchauffe du réacteur, privé de refroidissement. Les ingénieurs présents ont dû et pu improviser, et finalement réussir à installer une pompe à basse pression permettant d’injecter du liquide de refroidissement dans le réacteur, ce qui a permis de contrôler l’incident, c’est là : ?. Cette tranche ne sera jamais redémarée ! Cette fois encore, la zone Terre est passée à deux doigts d’un nouveau désastre. La chaîne TV, Antenne 2, en aurait parlé, le Réseau national SDN a aussi repris cette info, c’est là : ?.

Seversk-Tomsk 7 (6/4/1993). Sept ans après Tchernobyl nouvel accident grave en Sibérie, suite à l’explosion d’un résevoir de fluide hautement radioactif. Nous serions trop long ! On vous le laisse découvrir ici :  ?Une réaction chimique dans une cuve de stockage qui en rappelle une autre…

Maïak Kychtym (29/9/1957). Petit rappel ! On ne sait toujours que peu de choses des conséquences sanitaires de ce premier accident d’ampleur à proximité de cette ville fantôme de l’Oural (proche de Tcheliabinsk), en Russie, qui ne sera révélé qu’en 1976 par le biologiste Jaurès Medvedev. Longtemps absente des cartes et rebaptisée plusieurs fois, elle dissimulait un vaste complexe de production et de traitement de matières nucléaires à usage militaire. Du plutonium pour fabriquer les charges nucléaires et les missiles de l’ex-URSS.

Le refroidissement par eau d’un réservoir de 250 m3 de déchets radioactifs accidentellement interrompu provoquera l’échauffement de la matière stockée et son explosion exothermique colossale (comprendre chimique [pas nucléaire], notamment du nitrate d’ammonium, un puissant explosif), qui entraînera une trace radioactive portée par un fort vent de N-E sur une longueur de plus de 105 km sur 8 à 9 km de largeur, appelée « Vours » pour : Vostochono-Ouralski Radioactivni Sled (trace radioactive de l’Oural de l’est). Bilan (qui reste objectivement à faire) : 90 % des produits radioactifs du réservoir rejetés à proximité, les 10 % restant, plus de 2 millions de curies rejetées sur une traîne de 1 000 km², au moins 200 morts (très officieux), environ 10 000 personnes évacuées, 250 km² interdits d’accès. Beaucoup moins qu’il n’aurait été nécessaire de faire !

Atelier « compteur Geiger » et conférence sur l’irradiation par la Criirad

Bien évidemment, ce petit rassemblement avait aussi pour objectif de communiquer sur notre rendez-vous du mercredi 11 mai, au Mans, avec un atelier radiamétrie et l’utilisation d’un compteur Geiger l’après-midi (LMtv en diffusera un reportage en boucle matin et soir pendant une semaine) et, le soir, un débat sur l’irradiation des aliments, cosmétiques, avec l’animateur-conférencier Roland Desbordes, président de la Criirad (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité) pour ces deux animations.

Flamanville, 1er et 2 octobre 2016

SDN 72 participe au CAN-O (Collectif antinucléaire de l’Ouest) depuis sa création en janvier 2015. Ce collectif a pour objectif d’organiser un grand rassemblement antinucléaire les 1er et 2 octobre 2016 à proximité de Flamanville où se poursuit la construction de l’EPR. Son thème sera : « NUCLÉAIRE, ÉNERGIE DE DESTRUCTION MASSIVE — Non au rafistolage des vieux réacteurs — Non à la mise en marche de l’EPR ». Aussi souvent que possible, le groupe SDN 72 communique sur cette manifestation avec un tract et des visuels dédiés. Ce fut encore le cas autour de cette occupation de rond-point à proximité de la seule installation nucléaire de la Sarthe : Ionisos (même si ce n’est pas évident sur notre photo).


[1] Un rond-point orné de gâteaux (généralement pas d’anniversaire) — comme pour faire mentir notre titre — des  » Petits sablés « , production locale oblige !

[2] Comme une centrale nucléaire, elle est soumise au contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire.

[3] Endettement colossal auquel s’ajoute celui d’AREVA ; surcoûts et retard partout : EPR Flamanville, Olkiluoto en Finlande, ITER ; éviction du CAC 40 ; cuve poreuse de l’EPR de Flamanville et falsifications de documents cachant les malfaçons aux forges du Creusot ; coût démesuré des deux réacteurs d’Hinkley Point, claquage de porte du directeur financier d’EDF, chute d’un générateur de vapeur et incendie d’un condenseur à Paluel, instruction du procès d’Anne Lauvergeon et d’Uramin… Bref, la filière va à vau-l’eau !

[4] Qui, comme ceux de Maïak Kychtym, en Union soviétique (intra/supra), Three Mile Island (aux Etats-Unis), Forsmark (en Suède) pour ne retenir que les plus significatifs et sans compter Hiroshima et Nagasaki, ne nous ont malgré tout pas évité Fukushima en 2011 ! La France a aussi flirter avec l’irrémédiable à plusieurs reprises, avec deux forts incidents à Saint-Laurent-Nouan en 1969 (niveau 4) et 1980 (c’est là : ?) à 210 km du Mans, un à la centrale du Blayais le 27/12/1999 (inondation), etc.

[5] Ethos 1-2-3… : programmes qui visent la réhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl en Biélorussie.

[6] Coopération pour la réhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés de Biélorussie.

[7] Installation de stockage temporaire de combustible usé n°2.


Article de Ouest-France du dimanche 24 avril 2016. Photo et tract : SDN 72, pub : EDF.

 

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