Samedi 1er et dimanche 2 octobre 2016 — Flamanville
Samedi 1er octobre, près de 5000 (cinq milles) antinucléaires ont cheminé et manifesté sur l’étroite route côtière menant du village de Siouville à la centrale nucléaire de Flamanville constituée de deux réacteurs en activité et d’un troisième — de type EPR — en phase avancée de construction avec des malfaçons avérées [1] avant même de procéder aux premiers tests.
Plus qu’hier moins que demain
De ces manifestants là, la police n’en a compté que 2700, normal, on connait sa constance à minimiser — pour l’extérieur — l’ampleur du niveau de conflictualité sociale et environnementale du pays. Le journal Ouest-France quant à lui en a dénombré 2700 à 3000. On sait le quotidien régional plus généreux en général avec ce qui a à voir avec les processions. Les manifestants étaient venus principalement de Normandie, Bretagne et Pays de Loire mais aussi du Rhône, de Drôme, d’Ardèche, de l’Ain… accompagnés des délégations parfois venues de points « chauds » des luttes anti-nucléaires (Bure, Fessenheim et même d’Hinkley Point, dont EDF, les politiques… s’enorgueillissent actuellement d’avoir vendu une paire de réacteurs de type EPR jumeaux de celui de Flamanville, à l’Angleterre). Un nombre de manifestant.e.s somme toute plus qu’honorable à un moment où le mouvement antinucléaire n’est pas au mieux de son histoire et plombé par un contexte d’état d’urgence extrêmement compliqué, alourdissant d’autant la préparation de cet événement (Paulette, Enora… : chapeaux bas) [2].
La Sarthe dans le circuit
La Sarthe y était plutôt bien représentée. SdN 72 était parti prenant du collectif organisateur (initié par le CRILAN et Stop EPR, ni à Penly, ni ailleurs et les association antinucléaires bretonnes) — le CAN-Ouest — depuis le début de sa constitution, 21 mois auparavant (en janvier 2015) [3]. Aux passagés du bus parti du Mans et complété par nos amis angevins, s’étaient associés une bonne moitié d’autres. Des individuels, couples de retraités et ou randonneurs « an-can-o-aillés » partis en résidence dans le Cotentin, la dizaine de Sarthucadien (Sarthucada : contraction de Sarthe et de batucada) qu’on remercie vivement d’avoir animé et sonorisé le cortège 6 km durant (avec la batucada Ror de Rennes) enfin les bénévoles de SDN 72 et/ou fédérés par nos proches voisins d’Alençon autour d’Art Terre Native (ATN, déjà co-acteurs d’Alternatiba au Mans) qui ont assumé un travail co-los-sal [4] ! Un grand et généreux merci à ceux là en particulier. Il en reste d’autres dans l’ombre, qui ont généreusement affichés nos visuels, lieux associatifs, coop, bars, salle d’attente… relayeurs de nos information, participant.e.s financier.e.s, fabricant d’épinglettes…
Déambulation côtière
14 H à Siouville (Manche), la mise en place du défilé commence par une cinglante averse de grêle. « Pluie du matin n’arrête pas le pellerin » me glisse une des belle et singulière rencontre de ce week-end et, elle ne sera pas la seule. L’organisation n’avait toutefois pas envisagé « d’arroser le départ » de cette manière. Ceux de 2006 se remémorent les parapluies de Cherbourg (version 2006), c’est là : ▶. L’immense banderole annonçant la couleur, noir et blanc sur fond rouge : « Non à l’EPR – Non au rafistolage des réacteurs – Arrêt du nucléaire, énergie de destruction massive » : est bien en place, calée à l’avant, Greenpeace pas loin, incontournable comme d’habitude, en jaune fluo plus pétant c’est pas possible. Le cortège, s’ébranle et s’étire en long protest song bigarré sur l’étroite route côtière aux sinuosités arpentées hier par Prévert [5] et Millet plus avant… personnalités autrement plus inspirées que nos rationnels nucléocrates. Les banderolles taillées pour les boulevards se font soufflets de bandonéon dans les étroits couloirs végétalisés : Arrêt immédiat du nucléaire, Stop au rafistolage, Ni civil, ni militaire, Say NO To Hinkley C… L’invitation à « Libérer les énergie citoyenne » de l’Île de Sein, diversifie l’offre. Elle n’est pas la seule !
Chansons recomposées, chants et slogans en canon, casserolleries en tous genres, le tintamarre monte en puissance pour crier haut et fort le rejet de ce mode de production énergétique dangereux, couteux et dépassé, sans pour autant perturber le pas lourd des deux chevaux de trait tractant une éoliennes et son bar ambulant (ATN encore). Retour en arrière, Sarthucada est bien de la fête et distille ses rythmes de Saint Guy en amont du défilé. Je suis rassuré, ils sont là ! Tôt le matin des bleus ont « prélevés » nos fléchages perturbant l’accès au site. À l’avant, la sono est plus orthodoxe, les slogans rodés alternent avec HK et les Saltimbanks… On lâche rien ! Les olas de cartons rouges » Nucléaire STOP » (multilingues) peinent à se dresser ensemble. Les pupilles compilent les fonds d’écran. Le panorama sur la mer et l’estran est à tomber le cul par terre, de 2 à 179°. Aux extrémités, les trois réacteurs de Flamanville à mains gauche et l’usine — dite — de retraitement de La Hague doublée du CSM (Centre de stockage de la Manche) de La Hague-Digulleville à mains droite recadrent les songes-creux, fissa !
Arrêt au port de Dielette [6], avec les tours de paroles des organisateurs, Didier Anger acteur local (du CRIILAN) et ubiquitaire historique de la lutte antinucléaire, Chantal Cuisnier (SdN Cornouaille), Sylvie Sauvage (Stop EPR, ni à Penly, ni ailleurs)…. Le vent d’ouest dominant s’amplifie et s’empare des discours. Le sketch et la saynètes à suivre en seront aussi perturbés (une construction de dialogues et une mise en scène de l’écroulement d’une centrale).
La manifestation reprend son cheminement jusqu’à la grille d’entrée du chantier de l’EPR et des vieux réacteurs de la centrale de Flamanville. Un « plaisir » que n’ont pu gouter les passagés du bus (Sarthois et Angevins) contraint de rebrousser chemin dès la halte au port de Diélette pour le retour en autocar, et ils n’étaient probablement pas les seuls sur les 17 des 18 cars affrétés de ce rendez-vous (un 18e parti de Toulouse étant tombé en rade dans les premiers km). La soldatesque est là et sur les crêtes aux alentours les chevaux de frise déployés, l’hélicoptère bleu nuit vrombi à la vertical. Rien de provoquant et infiniment moins ostentatoire ou de commun avec Chinon (le 12/4/2014, c’est là : ▶), mais qui n’en perd rien coté f.l.ichage numérique. La digue enrochée côté mer et la grille d’encerclement d’au moins 3 m de haut de la centrale, ont fini de dissuader les plus velléitaires.
« Pluie du soir n’arrête pas le fêtard »
En plus des 5000 marcheurs il convient d’ajouter ceux venus écouter les trois concerts du soir, respectivement : Les pieds dans le bocal, Provisoire et le final avec Les Ramoneurs de Menhirs, avec un Lauran toujours aussi pêchu (concerts « sauvés » ! les bourrasques de vent sur la scène ouverte ont failli les compromettre pour raison de sécurité, du coup chacun s’accomodera de la petite bruine). Ce soir : « Nous sommes les enfants de la terre et du vent… ».
Agora champêtre
L’immense chaumière réservée pour un des deux débats du dimanche et tout le week-end durant aux associations impliquées dans ce rassemblement (Accro, FAN, Gauche Alter, PG, EELV, NPA, Greenpeace, Attac, du GSIEN, de SUD, de la Confédération Paysanne…) a largement permis l’expression des sensibilités, singularités d’approches et de vulgariser ; presse, documentation, livres… Et, mis du lien !
La table de presse du Réseau Sortir du Nucléaire était cette fois encore tenue par Martial Château de SDN 72 (un des quatre portes-parole du CAN-Ouest et membre du CA du Réseau SdN), renforcé de trois salariées et d’autres membres du CA du Réseau.
Nombreux aussi, ceux, qui ont participé aux deux conférences-débats sur les risques techniques et sociétaux (avec D. Anger, A. Corea et J.-L. Fossard) et les alternatives au nucléaire (avec A. Rivat, M. Leclerq et M. Frémont) [7] du dimanche matin (la première est disponible en vidéo, la seconde seulement en audio sur le site du CAN-O [8]. Vous y trouverez également un diaporama de la manifestation et une chouette vidéo.
La couverture médiatique a été assez importante (télés, radios, internet, presse écrite et même jusqu’aux Etats-Unis et au Japon grâce à des journalistes sympathisantes). N’oublions pas que beaucoup de médias sont aussi aux mains de l’état et des maitres d’ouvrage (Bouygues…) du nucléaire et à la merci des mêmes annonceurs !
Qui est in qui est off
Bien que « in » le rassemblement avait aussi sa partie « off » : le camping autogéré du 28/9 au 3/10. À quelques encablures (à la Petite Siouville) ! Sur le terrain, un mot aussi banni que le mot corde sur un bateau. Eh oui ! Ce territoire et nombre de ses participants se confondent avec une lutte déterminée, âpre et encore toute chaude contre la ligne THT Cotentin-Maine. Là se sont également mené des débats sur : les perspectives de lutte antinucléaire, Bure, le Linky toy story et festivités : concert de René Binamé, bouffe végane, balades… Jusqu’à pas d’heure !
Demain sera un autre jour
Concluons par quelques emprunts (arrangés et de mémoire) du discours de Didier Anger (cf. plus haut). Le pouvoir nucléaire est moribond mais il ne s’effondrera pas seul. Notre force, face au capitalisme d’Etat et privé, c’est le nombre : il ne suffit pas d’avoir raison, d’avoir les meilleurs dossiers, les meilleurs arguments, c’est le rapport des forces qui décide. Pour aider le colosse aux pieds d’argile à crever sans qu’il nous emmène avec lui, il faudra essentiellement compter sur nous-mêmes et nos mobilisations.
Auparavant, le samedi 2 avril 2016, le CAN-Ouest avait également organisé une journée de conférences sur « Les faibles doses » (radioactives) à la salle municipale « Le Rafiot », à Flamanville (50) avec les intervenants : Pierre Barbey, Annie Thébaud-Mony (sociologue de la santé, recherches sur les maladies professionnelles) [9], Yves Lenoir (Enfants de Tchernobyl-Bélarus), Roland Desbordes de la Criirad (qu’on a aussi reçu au Mans, le mercredi 11 mai, dans le sillage de cette manifestation régionale, c’est ici : ▶ et là : ▶) et Philippe Billard (ex travailleur et représentant du personnel du nucléaire). Le programme de cette journée est là : ▶). L’intégralité de cette conférence est disponible en plusieurs vidéos, ici ▶ .
[1] Mais, plombé d’un retard de 6 ans, d’une triple culbute financière, de la faillite de son promoteur et d’une cuve et son couvercle en « passoire » à cause de « ségrégations carbone » de leur acier.
[2] Une mobilisation incontestablement moins importante qu’en 2006 où près de 30 000 personnes s’étaient rassemblées à Cherbourg. Entre le projet de chantier de l’époque et l’ouvrage d’aujourd’hui, 10 ans se sont écoulés, le monstre à poussé, et l’argent publique dépensé a été triplé…
[3] Soit 13 déplacements et réunions à St. Lô et alentours impliquant évidemment des dépenses en transport… (vous retrouverez les très grandes lignes dans notre menu « Structure.s et liens »).
[4] Installation électrique sur le terrain, sonorisation, stand repas, bar ambulant tiré par des chevaux (cf. nos photos).
[5] « Dans les coulisses du progrès des hommes intégrés poursuivaient intégralement la désintégration progressive de la matière vivante désemparées », Jacques Prévert, extrait de « Tout s’en allait », La pluie et le beau temps. Sa maison est visitable à Omonville-la-Petite, à l’ombre de l’usine de la Hague.
[6] À quelques centaines de mètres de la centrale de Flamanville, au port de Dielette, l’accore accueille une plaque commémorative installée en le 26 avril 2009 par le CRILAN (sur un terrain privé), dédiée aux irradiés inconnus. Elle avait été volée peu de temps après dans la nuit du 10 au 11 juin 2009.
[7] Risques techniques et sociétaux avec : Didier Anger du CRILAN, Comité de réflexion d’information et de lutte ant-nucléaire, Alain Corea et Jean-Luc Fossard de « STOP EPR ni à Penly ni ailleurs »). Les alternatives au nucléaire avec : Alain Rivat Stop nucléaire 56 Trawalc’h et FAN, Fédération anti-nucléaire de Bretagne, Michel Leclercq Éolien en pays de Villaine et Énergie partagée, Michel Frémont consultant IDEE, Initiatives pour le développement de l’efficacité Énergétique.
[8] Le CAN-Ouest dispose d’un site dédié à destination du public, ici : ▶ où vous pourrez retrouver des éléments de pré et post mobilisation : arguments, matériels, photos, vidéos…
[9] Nous l’avions invité à la 25e Heure du Livre du 13/10/2012 pour une présentation-débat à partir de son livre Nucléaire et conditions de travail, c’est là : ▶ .
Photos : Reporterre, SDN 72, Rémy S, CAN Ouest, capture d’écran, etc…
Plus de photos d’un antinucléaire sarthois très investi en 2000 contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Izé en Mayenne (10 km de Sillé-le-Guillaume), c’est là : ▶.