Mi-mai 2018 – Lavernat, lieuxdits les Landes, Bellevue, Pierrelée…
Six et quatre, dix, et quatre font quatorze…
À la fin de l’été 2018, la Sarthe comptera tout au plus 19 éoliennes (contre 50 en Mayenne) : 6 à Juillé – Piacé – Vivoin ; 4 à Tassillé ; 4 à Lavernat et 5 bientôt à René – Thoiré-sous-Contensor [1], soit une capacité installée de 38 MW. Si 40 projets sont autorisés, plusieurs sont en déshérence, d’autres en consultation citoyenne, quand certains autres, victimes de recours, pourraient renaître à Saint-Longis et Champfleur – Cherisay – Béthon…
À ce rythme, le « grand remplacement » du nucléaire par les EnR est à la peine !
Le pratique du parc
Si les hélices des quatre nouvelles éoliennes de Lavernat ne caressent pas encore les étoiles (notre titre) et les génératrices ne produisent encore aucun kW, cela ne saurait tarder (début juin normalement) ! Leurs silhouettes élancées se détachent maintenant des Landes, à Lavernat (territoire devenu un des vergers — pas toujours bios — de la Sarthe). L’installation borde l’A 28 (liaison Rouen – Alençon – Le Mans – Tours) à hauteur du péage de Château-du-Loir.
Il y a trois ans, nous vous avions déjà parlé de ce projet de parc éolien, ici : ▶. L’enquête publique (du 8 septembre au 9 octobre 2014) de ce qui n’était alors qu’un projet avait été renseignée pour des machines du modèle 1,6-100 MW du constructeur General Electric (soit 6,48 MW au total) d’une hauteur hors tout de 146 m, c’est là : ▶. Le permis de construire initial avait été accordé en juillet 2014, celui le modifiant pour des machines plus puissantes en juillet 2016.
Au final, elles sont de marque Vestas, de facture danoise (cf. § plus loin), des V100 d’une puissance nominale de 2 mégawatts chacune, totalisant une puissance installée de 8 MW. Nouvelles mensurations : hauteur en bout de pale 150 m ; envergure du rotor de 100 m ; hauteur de mât et axe de l’aérogénérateur 100 m (généralement le double de la longueur de pale) [2]. Selon Engie Green, la production estimée de ce parc atteindra plus ou moins 15 100 MWh chaque année, soit la consommation électrique annuelle d’environ 6 500 personnes, dix fois la population lavernaise (chauffage inclus), 9 600 personnes (hors chauffage et eau chaude) [3]. Économie annuelle de 10 136 tonnes de CO2 par rapport à la même production électrique d’une centrale au fioul (infos du fabricant).
L’éloignement de l’éolienne E2 (photo Coordonnées Géographiques) réclamé par quelques riverains (nullement hostiles au parc) n’a hélas pas été entendu. L’arrêté d’exploitation accordé en juin 2015 prescrit : le bridage des machines lors de circonstances particulières favorisant l’émergence de bruit [4] et des périodes de sorties des chiroptères (chauves-souris) ; un suivi avifaune d’un an et chiroptères de deux ans ; la mise en place d’un plan d’aménagement paysager (brise-vent et vue) ; la compensation des 3 ha de parcelles humides seront restaurées au lieudit le Grand-Pin à Vaas ; etc.
Ce troisième parc du département est aussi le premier instruit sous le régime des ICPE, Installations classées pour la protection de l’environnement (2013). Engie Green (groupe Engie, ex-GDF-Suez [fusion entre Gaz de France et Suez]) est le maître d’ouvrage délégué de ce parc éolien de Lavernat.
Retombées fiscales escomptées : département, 400 €/an (1 %) ; commune, 4 000 € (5 %) ; région, 25 000 €/an (29 %) ; communauté de communes, 56 000 €/an (65 %).
Vœux
Lors de la cérémonie des vœux à ses administrés en 2018, le maire de Lavernat, Alain Morençais, avait évoqué la possibilité « d’en monter six » (éoliennes) sur le site (cf. aussi, O.-F. du jeudi 18 janvier 2018), la zone ayant les autorisations de principe pour en accueillir deux supplémentaires. L’édile envisageait même d’y intégrer « un financement participatif au service des citoyens ».
Macron tient ses promesses !
La capacité de l’éolien terrestre installé et raccordé en France au 31 décembre 2017 atteignait 13 472 MW (822 MW pour les Pays de la Loire [source FEE, France Energie Eolienne]), bien en deçà de nos voisins et un zéro pointé en éolien offshore posé (contre 3 500 au large du Royaume-Uni, de l’Allemagne, du Danemark) et un prototype flottant [5].
La France a beau dire et prétendre faire, pérorer de-ci de-là, cocoricoter dans tous les coins, au bout du bout, elle fait peu ! Elle est à la traîne sur tous les registres des énergies renouvelables qui ne sont pas héritées des « trente glorieuses » (l’hydraulique notamment… grâce à ses reliefs avantageux et ses cours d’eau). Les effets d’annonces restent souvent sans lendemains et l’écart ne se comble nullement. Pis, il s’accentue et s’accentuera encore tant qu’elle ne renoncera pas au nucléaire qui fait de l’ombre aux EnR en général et à l’éolien en particulier (posé comme flottant). Non seulement elle ne respectera pas l’engagement d’abaisser à 50 % la part du nucléaire dans le mix énergétique à l’horizon 2025, mais le ministre feudataire et un brin opportuniste [6] l’a différé à 2030-2035 ! Le même avait pourtant déclaré au Financial Times (14 novembre 2017) : « Demain, la norme ne doit plus être l’énergie nucléaire mais les énergies renouvelables. C’est un bouleversement complet de notre modèle. » La procrastination gagne décidément tous les politiques dès lors qu’ils sont aux manettes ! Est-il entendable que l’état des lieux puisse leur avoir échappé à ce point des années durant ? Remettre à plus tard, c’est remettre à trop tard !
Pas de pétrole, et des idées… inexploitées !
Poursuivre le nucléaire n’est que ruine ! Pire, il obère toutes perspectives de développement industriel rapide et d’essor volontariste des renouvelables sur le territoire. Cette affirmation peut facilement se vérifier en remontant les décennies passées. Pour l’illustrer, relevons ici une double invraisemblance empruntée de la lecture du nouveau manifeste NégaWatt En route pour la transition énergétique (Éd. Babel, 2015).
Page 54, NégaWatt nous rappelle que : « (…) c’est en septembre 1958 que le bureau des études scientifiques et techniques (le BEST), dépendant de la Direction des études et recherches d’EDF, a mis en service à Nogent-le-Roi (…) à l’ouest de Paris (122 km du Mans), une éolienne expérimentale baptisée BEST-Romani (…) d’une puissance nominale de 650 kiloWatts. Cette machine (…) atteignait 30 mètres de diamètre pour une hauteur maximale en bout de pale de 46 mètres, et a fonctionné pendant presque cinq ans (…). Mais en 1963, un essai avec un nouveau rotor plus rapide a conduit à la rupture d’une pale. Faute de financement pour la remplacer, la turbine est resté à l’arrêt pendant plusieurs années et a fini par être démontée et ses composants mis à la casse en 1966. »
Page 55, « il faudra attendre 1995 (trente-deux ans plus tard) pour que les Danois, considérés comme pionniers mondiaux de l’éolien moderne, mettent en service des machines d’une puissance équivalente. L’entreprise Vestas (…) est aujourd’hui l’un des leaders mondiaux du secteur, réalisant 15 milliards d’euros de chiffre d’affaires et exportant ses machines et son savoir-faire sur toute la planète. »
CQFD ! La France aurait pu et dû avoir le leadership de cette filière mais n’en a pas saisi l’opportunité, la prévalence de quasiment tout son personnel politique et de ses très influentes « élites » X-Ponts et X-Mines allant au nucléaire. Et le même parallèle peut être fait avec le solaire dont elle était précurseur dans les années soixante-dix : fours solaires de Mont-Louis (66) et d’Odeillo (Font-Romeu [66 itou]) ; centrale à tour Thémis à Targassonne (64). En 1839, Alexandre Edmond Becquerel, (1820-1891) découvrait même l’effet photovoltaïque !
La France avait tous les atouts pour être le wagon de tête de l’éolien et des EnR, le nucléaire et ses obligés lui ont tourneboulé la tête et l’ont fait dérailler ! Et les malfaisants sont toujours à l’œuvre !
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (Rabelais).
Lavernat est comme qui dirait La Mecque sarthoise du nouzillard. Chaque automne (le premier samedi de novembre), le village se parfume d’une odeur de marrons chauds (des châtaignes) pour la Fête du nouzillard, organisée par l’association éponyme. Voir aussi le nettoyage dudit Castanea sativa au lavoir du village, ici : ▶. Naguère, on le consommait en légume d’accompagnement (grâce à sa longue conservation dans la cendre) et en farine (pain, gâteaux). On connaît aussi les vertus de son bois en charpente (son tanin est aussi un répulsif naturel des araignées), en bois de chauffage (pour foyers fermés seulement !) et en pieux de clôture.
[1] 6 500 sur tout le territoire, soit moins de 4 % de la production d’électricité. 6 à Juillé – Piacé – Vivoin (parc ÉoLoué) ; 4 à Tassillé (parc Tassillé-carrefour des Loges), 4 à Lavernat (parc des Landes à Lavernat) et bientôt 5 à René – Thoiré-sous-Contensor (parc les Vents du Nord-Sarthe).
[2] Masse totale : 373 tonnes (nacelle : 78 ; tour [en quatre parties] : 250 ; rotor + hub : 45). Rotor : vitesse maximale de rotation : 13,4 tours/minute ; vent minimum : 3,5 m/s ; vent nominal : 12 m/s ; vent maximal : 22 m/s. Boîte de vitesse à trois rapports. Limitation de puissance : Pitch.
[3] La consommation moyenne française est estimée à 1 MW pour 1200 personnes (hors chauffage et eau chaude).
[4] Les ptérygotes de ces éoliennes sont équipées de serrations, un dispositif technique en forme de dents de scie fixés sur les bords de fuite des pales qui permet de limiter l’impact acoustique.
[5] Six parcs offshore d’éoliennes posées sont prévus depuis longtemps en France, mais les lenteurs administratives, les recours et dernièrement un amendement du gouvernement concernant une renégociation (bien légitime) du coût de rachat de l’électricité produite par l’éolien en mer (en discussion depuis la deuxième moitié d’avril), retardent leur mise en œuvre. Seul, un prototype modèle réduit d’éolienne flottante « Floatgen », assemblée à Saint-Nazaire, a été remorquée au large du Croisic, à grand renfort de communication fin avril. À contrario, 3 500 éoliennes offshore sont déjà installées au large du Royaume-Uni, de l’Allemagne et du Danemark ! Pourtant, l’Hexagone bénéficie d’une longueur de trait de côte des plus avantageuse.
[6] Poteau de Chirac, candidat à la présidence en 2007, il y renonce pour un engagement des autres prétendants à une charte pour l’environnement, candidat (malheureux) à la primaire EE-LV 2012, envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète et finalement ministre « écolo » du gouvernement d’Edouard Philippe (ex-directeur des affaires publiques chez AREVA de 2007 à 2010) en 2017.
Crédit photos : SdN 72. Éoliennne Best-Romani : capture d’écran du site www.shf-lhb.org/ (qui ne semble plus être bon !).