Du 23 au 27 mars 2019 – de Chinon (37) à Flamanville (50)
La Sarthe est sillonnée par toutes sortes de convois : bolides survitaminés transportés sur plateau, manèges de forains [1], déchets ménagers extérieurs à l’agglomération mancelle, voire à la Sarthe (Alençon…) convergents vers la Chauvinière (usine d’incinération communicant sur le réseau de chauffage), substrats acheminés par camions (ex : carrière de Voutré…) faute d’une véritable volonté de Fret-Sncf à développer le ferroutage. Mais aussi de déchets et combustibles radioactifs acheminés via le réseau ferré ou routier (intra) et possiblement jusqu’aux terrifiants missiles atomiques transbahutés de Valduc vers l’Île-Longue et inversement.
Les 23 et 24 mars, un convoi (bidon) de combustible nucléaire, conduit par une demi-douzaine de lanceurs d’alerte, l’a aussi traversé.
Un convoi nucléaire — fictif — traverse cinq départements, dont la Sarthe
Une demi-douzaine de militant·e·s disponibles de leur temps (et une dizaine partiellement), dont, deux Sarthois, ont accompagné de bout en bout le périple de ce convoi sur les cinq jours. Un convoi reçu et attendu par des locaux (et des mordus venus de plus loin) sur une dizaine d’étapes souvent coacteurs des rassemblements, animations, film-conférence, conférences gesticulées ou non, chorégraphie, cérémonie, points presse, communications avec la population… Il a aussi permis de tisser des liens plus étroits entre les militant·e·s des deux structures organisatrices. Celles du CAN-Ouest (Collectif antinucléaire…) et de SdN Loire & Vienne (Sortir du nucléaire). L’action avait aussi le soutien du Réseau Sortir du nucléaire.
Comme dit dans notre chapô, notre département, comme beaucoup d’autres, est lui aussi traversé par des transports de matières dangereuses parfois explosives comme celles d’Alsetex (c’est ici : ▶) ou radioactives comme le Cobalt 60 de Ionisos à Sablé (c’est là : ▶). Parfois aussi, des déchets nucléaires pouvant remonter de Chinon, Saint-Laurent, Dampierre, Belleville, Civaux, Le Blayais… de la vallée du Rhône et même de l’étranger (c’est ici : ▶), voire du plutonium revenant de l’usine de retraitement Orano de La Hague (c’est encore là : ▶). Et même de véritables bombes atomiques (venant ou retournant à Valduc/Salves [21], cf. plus haut) [2] !
Il peut aussi l’être par des convois d’assemblages de combustible nucléaire (MOX et UER) neufs pour renouveler par tiers (environ tous les ans) les grappes des réacteurs. Prochainement, c’est la totalité du tout premier combustible de l’EPR de Flamanville qui pourrait le traverser si d’aventure aucune des entités suivantes : activistes, justice, Autorité de sûreté nucléaire, référendum (ou Rip, Ric…), changement de personnel politique, gouvernement (rayez les mentions inutiles) n’empêche son chargement. Des assemblages provenant de deux sociétés Framatome basées à Roman-sur-Isère (Drôme), surtout FBFC, et probablement redistribués pour ce qui nous concerne par le MIR, Magasin interrégional de Chinon, véritable plaque tournante du grand Ouest, du Centre, du Sud-Ouest et pas que : ▶. Soit, au bas mot, environ 125 tonnes d’uranium enrichi (sources + conteneurs, environ 800 tonnes « d’emballages ») qui vont traverser partiellement le pays sur une bonne dizaine de semi-remorques.
Un combustible censé alimenter un EPR qu’on sait par ailleurs dégradé avant même qu’il ne produise le moindre kW ! Qui cumule les malfaçons : béton, couvercle, fond de cuve (acier), soudures, pont polaire, falsification des certificats de qualités, dérogations aux lois… Loin, bien loin de la vitrine commerciale pour laquelle il a été imposé par la nucléocratie alors que le pays est déjà en surproduction. À Saint-Lô, Bernard Laponche (intra) en fera l’accablant inventaire ! Un EPR et une filière qui, par ailleurs, coûte bonbon aux contribuables, clients et futurs abonnés.
Les portes paroles du CAN-Ouest — Chantal Cuisnier, Didier Anger, Martial Château et Philippe Gardelle pour SdN Loire & Vienne — auront moult occasions de tailler d’autres croupières à la filière et à « l’État capitaliste » (D. Anger) lors des prises de paroles, des points presse et interviews.
Journal de bord (très subjectif)
Samedi 23 mars : Chinon – Avoine
Chinon. — Bien que légèrement excentré, le carré négocié pour le point de départ du surréaliste convoi de combustible nucléaire, place Jeanne-d’Arc à Chinon, est conséquent. Le pourtour n’en sera pas moins tapissé de banderoles, calicots, drapeaux, trépied, triptyque… jusqu’au socle de la statue de la Pucelle qui portera étendard jaune et soleil souriant rouge cerclé d’un « nucléaire non merci ». Et le matos ne manque pas. Déjà un camion vert J-9 se signale comme la caverne d’Ali Baba. Du temps avait été laissé au temps (accueil de 10 heures à 14 heures). Installations, table de presse, chorales, tractage, photos de groupe, prises de parole, points presse… Si beaucoup ont déjà manifesté ensemble, là, deux collectifs (le CAN-Ouest et SdN Loire & Vienne) s’apparient sur un objectif commun, le temps d’une semaine et plus si affinité.
Avoine. — Le convoi s’ébranle pour sa première station devant une centrale nucléaire. Pas n’importe laquelle, celle de Chinon-Avoine : 7 INB et son MIR (supra) sans compter son stock de déchets radioactifs graphités (23 000 tonnes) ; 3 sont à l’arrêt dont 2 graphite-gaz (UNGG) de la pire espèce (seule la « boule » est démantelée [70 MW] et devenue « musée » ! ), 4 sont en fonction et… EDF cherche de nombreux nouveaux hectares (120 à bas bruit) ! Le stationnement est compliqué mais on arrive, bon an mal an, à se rassembler devant une débauche de supports communicants. Clic clac ! Ça crépite de partout. Pas que du nombrilisme… les klaxons de soutien des automobilistes sont bien de la partie. De notre parti ! Direction la Sarthe.
Samedi 23 mars : Montval-sur-Loir et Le Mans
En Sarthe, le convoi a stationné quelque temps sur la place de l’Hôtel-de-Ville de Montval-sur-Loir (ex-Château-du-Loir) vers 16 heures. Comité d’accueil restreint mais un bon retour de la presse (Ouest-France) qu’on ne retrouvera pas au Mans, et pour cause…
Gilets Jaunes, forains, Arjowiggins… difficile de se faire une place en centre-ville ce samedi au Mans et d’y être visible, audible et écouté. Une partie de l’équipe va vaillamment tenter de faire le show par un froid de canard sur la désertique place R.-Adelet (cinéma le Royal, quartier Cité des Pins) et y tenir une heure et demie avant de se replier au foyer Fulbert-Masson pour la suite des festivités.
Passée la pause, sustentation, échanges, convivialités (mentions aux petites mains de la soirée [bouffe, déco, table de presse… ] et tout spécialement à Yvonne), on rentre dans le dur avec la projection du film Nucléaire : la fin d’un mythe [3] de Bernard Nicolas, Hugues Demeude et Thierry Gadault qui intervient sur son travail et assure la conférence-débat post-projection. Présence moyenne, participation bonne et des points de vue intéressants et éclairés de l’intervenant, notamment sur la solvabilité d’EDF…
Dimanche 24 mars : Alençon
Départ du Mans pour un tractage en fin de matinée sur le marché de Courteille, place du Point-du-Jour à Alençon. Petit marché mais… grande ouverture d’esprit et bonne réceptivité dans une ville où, ce dimanche-là, toute l’attention était tournée vers la 45e édition de la course Alençon-Médavy.
Le public — averti — est quand même au rendez-vous de l’après-midi pour la conférence gesticulée Atomes Fourchus, drôle, accessible et participative (photo) de Johann Charvel. La théâtralisation ouvre des portes… Nous recevrons ce comédien pour ce même spectacle le mardi 2 juillet, au Mans, dans le cadre de l’Atomik Tour, en soutien à la lutte CIGéo-Bure. Précisions à venir sur notre site.
Lundi 25 mars : La Ferté-Macé – Flers – Athis-de-l’Orne
Petit arrêt information-tractage à La Ferté-Macé, puis une double circonvolution dans le centre — quasi désert — de Flers. « En même temps » c’est entre 11 heures et 11 h 30… L’attraction méridienne du jour est à Athis-de-l’Orne solidement attendue, place Saint-Vigor, par les glorieux vainqueurs (désolé, ici, l’écriture inclusive m’échappe) de la lutte contre le projet d’enfouissement de déchets radioactifs
(équivalent à Bure) dans son sous-sol (batholitique), autour des années 2000 (une copie voisine d’Izé à 12 km de Sillé, c’est ici : ▶). La même place avait contenu 5000 manifestants, selon Didier Anger (du CRILAN, porte parole du CAN-Ouest, militant antinucléaire « historique »… portrait partiel ici : ▶) venu des Pieux (Manche) avec Paulette, son ombre « portante » ! Un solide groupe en décompression qui reste pourtant vigilant et mobilisé (photo). Le maire, la presse et… la gendarmerie sont aussi de l’accueil. L’histoire de ce combat reste à faire, mais… certain·e·s y pensent en se rasant, ou pas.
Lundi 25 mars : Caen
Caen. — Le premier rendez-vous est fixé place Jo-Tréhard, dite « du théâtre ». Déballage désormais orchestré de la quincaillerie verte ambulante « Nuke ta centrale ». Belle et bonne révélation d’entrée. Ici, les « vieux fourneaux » laissent le pas à une toute autre génération qui annonce la couleur : « Allier le beau, le sérieux, le drôle et le fort pour dire Non à l’EPR ». Au programme : chorégraphie d’Anthony de Filippis, mais l’inhibition domine invariablement spectateurs et militants pourtant certifiés libérés et transgressifs ; intervention d’un très jeune artiste sur le titre : « Beds Are Burning » du groupe australien écolo Midnight Oil ; prises de parole ; tractage ; point presse… la routine ! L’effort n’est pour autant pas récompensé.
Bis repetita. En soirée, Johann Charvel (cf. Alençon) remet le couvert avec son tonton, et somme toute, les nôtres… Seconde conférence gesticulée dite : Atomes fourchus ou Comment convaincre son tonton d’arrêter le nucléaire un jour de repas de famille ? Ce sera finalement à la salle de spectacles Le Bazarnaom, 65 rue des Rosiers, qui accueillera le spectacle au pied levé après trois changements d’adresse (vous avez dit pression ? pourtant, il n’y avait pas de bière au bar).
Mardi 26 mars : Bayeux – Saint-Lô – Le Mesnil-Rouxelin
Bayeux. — Le convoi s’y est arrêté mais a fait tapisserie faute d’emplacement réservé. Aucun calicot de bataille antinucléaire n’y a finalement été déroulé.
Saint-Lô. — Le convoi approche du but. La ville est aussi la préfecture de la Manche. Département qui abrite de nombreuses INB (Flamanville, La Hague, Centre de stockage de la Manche…) et installations militaires nucléaires (Naval groupe, ex DCN…). Habitué des happenings dits « l’EPR Noël » organisés chaque année par le collectif St-Lois contre l’EPR et sa THT, la ville martyre avait aussi accueilli la manifestation Stop EPR le 30 septembre 2017, place Ch.-de-Gaulle (de la mairie), organisée par le CAN-Ouest (c’est là : ▶). C’est donc sans surprise que les Saint-Lois·es observeront un incessant déballage de visuels antinucléaires sortant du fourgon vert sans fond (Twitter : qui pollue de sa race) du régional de l’étape (photo ci-contre). Autant le dire, l’invariable attraction de toutes nos escales avec la figuration d’assemblages de combustible. Accueil militant conséquent, emplacement correct pour sa visibilité, moins pour le contact avec les passants, presse au taquet… Le contrat est rempli.
Le Mesnil-Rouxelin. — Le lieu, l’Auberge paysanne, écolo équipée d’EnR, vaut le détour (elle accueille aussi les réunions du CAN-Ouest). On ne vous en dira rien de plus. Là, en soirée, Bernard Laponche ingénieur physicien et atomiste cofondateur de l’association Global Chance (le site qu’on vous recommande est ici : ▶) et inoxydable repenti du nucléaire y tiendra conférence. Précis, concis mais quasiment, hélas, de l’entre-soi en ce qui concerne le public, faute d’une salle disponible en centre-ville. L’absence d’adversité n’a pas transcendé la soirée qu’elle aurait pu être.
Mercredi 27 mars : Valognes — Flamanville
Valognes. — Cette petite ville est le terminal ferroviaire des déchets radioactifs des innombrables réacteurs français (mais aussi d’Europe) « retraités » à La Hague (usine ORANO) avec retours différés après un long séjour en piscine. Avec Le Chefresne, Montabot… elle fut aussi l’épicentre de la résistance à la ligne THT Cotentin-Maine (320 pylônes sur environ 163 km érigée de janvier 2012 à avril 2013). Construite pour connecter l’EPR (Flamanville 3), pour l’heure, elle relie les vieux réacteurs 1 et 2 (quand ils fonctionnent) à Beaulieu-sur-Oudon, à l’est de Laval. Pour s’être jointe à ces lutte et avoir refusé le prélèvement de son ADN, Annick P., de SdN 72 (mais aussi plusieurs autres militant·e·s), sera jugée à plusieurs reprises en première instance puis en appel et même en conseil d’État… In situ, il subsiste des « cellules toujours en éveil ». Largement de quoi bien accueillir un « faux convoi », cette fois, place du Château. Avec banderoles, calicots, triptyque, carte de France des risques nucléaires, fûts, flammes, drapeaux, flyers distribués aux passants et aux automobilistes… tout le toutim et la presse [4] !
Flamanville. — Le terminus de ce pseudo convoi de combustible est au port de Diélette. À main gauche, les deux réacteurs de Flamanville plus l’EPR en construction. Nous y avions déjà manifesté le 1er octobre 2016 (c’est là : ▶). Droit devant : La Hague, Cherbourg… (supra). Le décorum s’impose une dernière fois, pour la presse et la débauche des ouvriers du chantier de l’EPR et des réacteurs 1 et 2. Comme chaque année, des fleurs sont déposées devant la stèle aux irradiés inconnus. Poses photos, interviews… Les flux de voitures, bus, motos ralentissent à notre hauteur, curieusement, beaucoup nous communiquent des gestes de sympathie, klaxon, V de la victoire, saluts, applaudissements, points levés… Aussi, mais peu, quelques expressions d’hostilité.
Le périple de nos deux militants sarthois s’arrêtait ici. En soirée, une réunion publique et d’échange sur le Plan particulier d’intervention (PPI, dans un rayon de 20 km autour des centrales) animé par le CRILAN, Comité de réflexion, d’information et de lutte antinucléaire a été tenu à Valognes.
En guise de conclusion
S’il n’en faut qu’un, laissons le bilan provisoire de cette caravane antinucléaire — dont la date symboliquement retenue se situait entre les deux accidents majeurs du nucléaire, Fukushima (le 11/3/2011) et Tchernobyl (le 26/4/1986) — à Chantal Cuisnier, de SdN Cornouaille, et porte-parole du CAN-Ouest : « Bonne couverture de la presse locale à chaque étape, très bon accueil et coordination des équipes présentes localement, conférences bien choisies et complémentaires. »
[1] Le Mans est en pleine crise foraine. Leurs manèges s’installaient traditionnellement aux Quinconces avant qu’un nouveau théâtre-cinéma ne réduise l’emplacement et ne relègue les fêtes foraines en périphérie qui, elles, proposent de plus en plus d’attractions en nombre et en amplitude…
[2] Plus couramment, on y croise aussi des matières et des déchets médicaux radioactifs.
[3] Qu’on a déjà pu voir dans Un monde en docs sur la chaîne LCP-Public Sénat, le 22/9/2018 (et rediffusé par la suite). On peut le voir gratuitement (un temps probablement) ici : ▶ et/ou le télécharger sur 9docu mais c’est payant !
[4] Remarque générale, la presse va souvent confondre combustible avec déchets, ce qu’ils seront après usage.
Crédit photos : SdN 72, Chantal Cuisnier, Jean Coly, Jean-Luc Fossard … et d’auteurs non identifiés (on répare à votre signalement). D’autres photos sont disponibles sur le site du CAN-Ouest : https://www.can-ouest.org/. Tract de l’événement : ci-dessous.