Mardi 4 juin au Mans, aux Cinéastes, et mercredi 5 juin à Mamers, au Rex
En ce début de commémoration du 75e anniversaire du débarquement, le Collectif 72 en marche pour la Paix proposait à celles et ceux qui s’interrogent ou s’inquiètent des armements nucléaires et du concept de dissuasion sous-jacent deux projections du film La bombe et nous. L’une aux Cinéastes, au Mans (le mardi 4 juin 2019). L’autre au cinéma Rex, à Mamers (le mercredi 5 juin 2019).
Ce film (cf. synopsis ci-dessous [cliquer dessus pour l’agrandir]) était aussi un support pour échanger et débattre, avec deux intervenants : Dominique Lalanne et Gérard Halie [1].
Nous l’avons encore constaté au cours de la campagne d’information du collectif [2] autour de ces deux projections, le TIAN, Traité d’interdiction des armes nucléaires, est trop souvent confondu avec le TNP, Traité de non-prolifération nucléaire, adopté en 1968 [3]. Un traité voulu et conceptualisé par des pays dotés pour être à leur main. Pays qui, depuis, n’ont eu de cesse de le dévoyer, le transgresser, le bafouer. Un faux masque derrière lequel la France se planque elle aussi depuis plus de cinquante ans.
Si quelques rares pays ont renoncé à ces armes (Afrique du Sud, Brésil, Argentine, Suisse… et d’autres dont la sortie ne relevait pas de leur propre choix) et si le nombre d’ogives nucléaires a diminué de 600 unités en 2018, passant à près de 70 000 en 1980 à 13 865 aujourd’hui (d’après l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm), la plupart des puissances nucléaires ont simultanément modernisé et considérablement décuplé la portée, la précision et la puissance unitaire de leur arsenal.
Sa possession n’a pourtant pas empêché l’URSS de tenter d’installer des fusées à Cuba en pleine guerre froide, l’Egypte et la Syrie de franchir le canal de Suez en 1973 pour récupérer la péninsule du Sinaï et le plateau du Golan occupé par Israël (pays équipé d’armes nucléaires), à l’Argentine d’oser débarquer aux Malouines… anglaises (puissance nucléaire), ni même le Pakistan d’abattre deux avions indiens à l’intérieur de son espace aérien, fin février de cette année (deux pays dotés de l’arme dévastatrice et en guerre au Cachemire). Affirmer que la possession de l’arme nucléaire par la France l‘a préservée soixante-dix années durant de la guerre est tout aussi péremptoire. Si la coopération et le dialogue au sein de la communauté européenne a pu participer d’une paix durable, une guerre fratricide s’est bien menée en continent européen sur les territoires de l’ex-Yougoslavie et de sévères autres tensions persistent çà et là quand elles ne se sont pas délocalisées sur d’autres continents.
Le TIAN, qui a valu le Prix Nobel à l’association ICAN pour sa campagne de 2017, relève d’une toute autre approche, remettant en cause les soubassements de la doctrine de dissuasion nucléaire. Ce dernier est d’abord porté par des pays dépourvus d’armes atomiques, sans ou ayant parfois conclus des alliances et/ou sous tutelle politico-militaire. Des spécificités et des complexités politiques et diplomatiques pour certains pays déjà signataires — Autriche, Pays-Bas, Suède , Suisse (pour notre périmètre rapproché) — qui s’ajoutent aux difficultés, mais loin d’être insurmontables, selon notre intervenant. 123 pays l’ont adopté, 60 l’ont signé, 23 l’ont ratifié (timing normal jusque-là) ; le TIAN s’imposera à tous les États dès la cinquantième ratification. Loin d’être un aboutissement, il deviendra alors un outil pour décrédibiliser et marginaliser les puissances dotées, engoncées dans leurs immuables certitudes dominatrices.
Yves Lenoir l’avance : « Les armes atomiques n’ont pas d’intérêt proprement militaire » (ce qui, pour autant, n’exclut pas son éventuel emploi). L’affirmation mériterait évidemment d’être plus développée ici, mais nous serions, cette fois encore, trop long… Pour Dominique Lalanne, elles sont d’abord et avant tout un « marqueur de puissance » autant à usage externe (États) qu’à usage interne des chefs d’États, tant à l’adresse de la population qu’au personnel politique, pour s’imposer en dominant. Une domination qui interroge des travers et dérives psychologiques contribuant à renforcer autocratie et despotisme. En salle, les duels machistes (« gros kikis ») entre Donald Trump, Kim Jong-un, Poutine… sont amèrement brocardés.
La pensée magique [4] opère aussi, nous explique Dominique Lalanne. Notre sécurité garantie par la dissuasion, martelée à l’envi et s’adressant justement à notre envie est vite intégrée et tenue comme advenue. Or, il y a loin de la coupe aux lèvres. Trump fabrique, déploie et envisage froidement l’emploi d’armes nucléaires à « faible rendement », multiplie les rodomontades (Corée du Nord, Iran…), Poutine annonce un nouveau système d’armes nucléaires hypersoniques invincibles ; Jong Un instrumentalise ses missiles, Macron décuple le budget du nucléaire militaire (37 milliards d’euros de dépenses pour « l’autonomie stratégique » d’ici à 2025)… Quand il ne s’agit pas des risques bien réels d’accidents : accrochage de sous-marins nucléaires (français et britannique) porteurs d’engins, accident d’avions en ravitaillement à Palomares (province d’Alméria), catastrophe évitée de justesse grâce au refus d’un officier soviétique (Stanislav Petrov) de croire son système informatique qui annonçait une attaque de missiles américains contre l’URSS, cyberattaques nucléaires (ex : intrusion de virus par les étasuniens dans le système nucléaire iranien), reliquats des essais nucléaires dans l’atmosphère et les sous-sols terrestres et marins… Oui ! il est bien urgent et nécessaire de nous « ôter la bombe du crâne » (titre du tract, infra).
Bien sûr, les coûts humains, sanitaires, économiques et dérives financières (rôle et responsabilité des banques dans la course aux armements de non-emploi [armes nucléaires] comme d’emploi [armes traditionnelles]) de cet arsenal mortifère est revenu lors des deux débats. D’où la nécessité de « consommer autrement » dans le domaine bancaire, d’interpeller leurs directoires et conseillers au moyen de supports documentés (ex. Pax Christi en Hollande) qui, pour l’heure, font défaut.
La COP 15 (Paris) avait estimé qu’il faudrait consacrer dans les dix ans qui suivaient, 1 000 milliards de dollars pour lutter contre le réchauffement climatique. Soit l’équivalent de ce qui sera dépensé sur la décennie 2010-2020 pour les armes nucléaires au niveau mondial, selon l’association Global Zéro. Non, décidément, l’hiver nucléaire n’est pas une solution au réchauffement climatique !
Concluons avec un extrait de la fin du film La bombe et nous : « Un beau jour, l’arme nucléaire sera abolie. Elle le sera par la force des opinions publiques, la force des États, la force des convictions. Ceux qui défendent la bombe se trompent en croyant qu’ils seront reconnus devant le tribunal de l’histoire. Ils se trompent autant que ceux qui croyaient qu’il serait impossible d’abolir l’esclavage, autant que ceux qui croyaient que l’apartheid durerait toujours. ». À chacun de nous, au quotidien, d’œuvrer pour « ôter la bombe du crâne » (titre du tract ci-dessous) de ceux qui nous entourent, représentent, gouvernent… Signer la pétition pour que la France reconnaisse et ratifie le TIAN, c’est là : ▶.
SdN 72 fait partie du Collectif 72 en marche pour la Paix (cf. encadré). En solo, avant la création de ce collectif, SdN 72 avait déjà proposé ce film suivi d’un débat et les mêmes intervenants, à deux reprises : le 7 avril 2018 au Mans, c’est ici : ▶ et le 29 janvier 2018 à La Flèche, c’est là : ▶.
[1] Dominique Lalanne et Gérard Halie ont tous les deux participé aux négociations du TIAN, Traité d’interdiction des armes nucléaires, qui a valu le Prix Nobel de la Paix pour son action à l’organisation ICAN, International Campaign to Abolish Nuclear weapons (Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires), en 2017. Le premier est coprésident d’Abolition des armes nucléaires et physicien nucléaire. Le second, membre du Mouvement de la Paix.
[2] Pour ces deux événements (mais principalement au Mans quand même), le Collectif 72 pour la Paix a abondamment distribué un flyer dédié (sur les marchés [Mamers inclus], places, devant les lycées, cinémas, événement Greenpeace et même sur un stand réservé à la Fête de la CGT, au Mans) dont le verso est visible ci-dessous (le recto illustre notre haut de page).
[3] Son application est « garantie » par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui promeut l’atome civil !
[4] La pensée magique se manifeste principalement au cours de l’enfance et est le symptôme d’une immaturité ou d’un déséquilibre psychique à l’âge adulte. Elle définit une forme de pensée qui s’attribue la puissance de provoquer l’accomplissement de désirs, l’empêchement d’événements ou la résolution de problèmes sans autre intervention.
Photos : SdN 72, à gauche, au Mans, à droite à Mamers. Tract : Collectif 72 en marche pour la Paix.