Vendredi 26 février 2021 – Le Mans, Sarthe…
L’histoire de Sadako Sasaki associée à la légende japonaise des « Milles grues » s’est invitée une nouvelle fois dans la micro-actualité sarthoise. Ce sont les 3e du collège Saint-Louis du Mans qui s’y sont fortuitement collés cette année.
L’engagement de cette enfant d’Hiroshima irradiée le 6 août 1945 est toujours partagé et porté par toute une jeunesse de par le monde. Des hommes et des femmes d’une volonté tenace sont aussi mobilisé·e·s et depuis longtemps pour convaincre, voire contraindre les États dotés et les postulants à renoncer aux armes nucléaires comme il a été fait pour les armes chimiques et biologiques. Depuis le 22 janvier, un nouvel outil, le TIAN (infra) peut et doit nous y faire parvenir (c’est là : ▶).
Sadako toujours vivante
À cause de la crise sanitaire liée à la Covid, un certain nombre des 3e du collège privé Saint-Louis, au Mans (rue Auvray), ont été privés de leur stage de découverte et d’immersion dans l’univers professionnel. Au débotté, un projet éducatif, sans vraiment en porter le nom ni bénéficier d’une solide préparation en amont, s’est substitué à cette étape importante de leur parcours d’orientation autour de l’histoire de Sadako Sasaki.
Qui était-elle et que représente-t-elle ? Sadako n’a que deux ans le 6 août 1945. Bien que dans un cercle rapproché de l’épicentre de l’explosion de la première bombe nucléaire de l’humanité à Hiroshima (suivie trois jours après de celle de Nagasaki), elle survit miraculeusement alors qu’au moins 70 000 autres Japonais·e·s périssent dès la première journée (le double par la suite). Mais à 12 ans, elle est rattrapée par une maladie induite due aux radiations, la leucémie. Pour transcender le mal qui la ronge, elle entreprend de réaliser le zenbazuru de la légende japonaise que lui a raconté sa meilleure amie, Chizuko. Au pays du Soleil Levant, fabriquer milles grues pliées façon origami reliées en guirlande dans l’année [1] — peut exaucer votre vœu le plus cher… Pour elle, celui de sa guérison ! Résolue et persévérante à la tâche, elle meurt néanmoins le 25 octobre 1955, à sa 644e grue. En solidarité, les élèves de sa classe s’acquitteront du reste. Comme la colombe au rameau, le sigle « peace and love » repris par le mouvement hippie contre la guerre du Vietnam… en guirlande ou pas, les grues pliées sont devenues, elles aussi, un symbole mondial de paix.
L’histoire de Sadako a été racontée la première fois en 1977, dans le livre Sadako and the Thousand, éd. Paper Cranes, écrit par Eleanor Coerr. Depuis, il a été traduit dans d’innombrables langues, adapté et repris au théâtre, en BD… et sert désormais très souvent d’outil pédagogique. En travaillant de conserve, professeur documentaliste, prof. d’histoire et documentaliste de Saint-Louis sont parvenus à transformer ce programme improvisé en projet éducatif vivant qui a intéressé tout autant les élèves que le premier cercle de leur entourage.
Nous avons plusieurs fois fait référence à cette vraie histoire mêlée d’une légende. Souvent à partir d’un travail pédagogique. Deux exemples : à l’atelier des enfants de l’accueil M’Loisirs de Sargé-lès-le-Mans, en 2014, c’est ici : ▶, ou encore à Neuville en 2015, fruit d’une collaboration de Céline Loison, professeuse des écoles à Neuville, et de Didier Lastère (codirecteur, metteur en scène et comédien) du Théâtre de l’Ephémère, c’est là : ▶.
En 2019, un couple de sympathisants du groupe SdN 72 avait ravivé sa mémoire dans une incisive carte postale d’Hiroshima, c’est ici : ▶ .
Cette même année, la compagnie sarthoise La Fière Allure a présenté plusieurs fois une adaptation de ce conte « Sadako, la petite fille qui aimait courir » par Yasmine Bargache, mise en scène par Edwige Bage, avec Yasmine Bargache, accompagnée de Christine Chardonnier, c’est essentiellement ici : ▶, plus brièvement là : ▶ et encore là : ▶. Hélas, la pandémie de la Covid 19 a limité les représentations de cette pièce, comme de beaucoup d’autres spectacles vivants.
Lutter contre la poursuite de la folie destructrice
Ce travail résonne fortement à nos oreilles à l’heure ou [2] la ministre des armées, Florence Parly, engage un peu plus le pays dans le renouvellement de la composante océanique [3] de sa force de dissuasion (la seconde est aérienne), bien qu’en réalité, le développement de ces quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, SNLE ou SN3G (pour 3e génération) est entamée depuis 2017. Ils seront évidemment plus longs, plus gros… (mais pas trop [4]). Les « engins » en question qui les arment sont des missiles M 51. Chaque bâtiment en embarque 16 et chacun des missiles est lui même armé d’une dizaine de têtes nucléaires autonomes… Le concept de cette dissuasion implique une « permanence à la mer » d’au moins un SN3G. Pour couvrir cet impératif, pas moins de quatre sont nécessaires ! Quand l’un est en mer pour environ trois mois, un second est en carénage, un troisième est prêt à entrer en service, le quatrième en entretien au retour de sa mission (les marines américaine et russe possèdent chacune entre 12 et 14 sous-marins de ce type). Ce n’est pas tout !
Six autres sous-marins, si si ! qui soutiennent les susdits sous-marins (SNLE) et le porte-avions Charles-de-Gaulle sont également en plein renouvellement. S’ils sont eux aussi à propulsion nucléaire, ces submersibles là, dits d’attaque (SNA), ne sont cependant pas armés d’ogives nucléaires contrairement à toute attente, mais leur capacité de feu (torpilles et missiles) reste néanmoins effrayant. Le premier de la série, Le Suffren, est entré en service à la mi-juillet 2019. Nous lui avions consacré un article, ici : ▶.
Le porte-avions Charles-de-Gaulle est lui aussi en bout de course. Le développement du Pang, lui aussi plus long, plus gros, plus… qui doit le remplacer à l’horizon 2038 [5] est d’ores et déjà entamé. Pour la même justification de « permanence à la mer », beaucoup en voudraient au moins deux ! Eh oui, comme le solaire, l’éolien, le nucléaire, le fleuron de la flotte française est aussi sacrément intermittent (entretien, incident, carénage… on l’a vu en réfection — autant dire en vacance — plus de dix-mois mois durant).
Et bien d’autres bâtiments de logistique complètent cette naumachie macabre. Sortir du nucléaire 72 ne s’inscrit pas pour le spectacle et vous invite à tout entreprendre pour qu’il n’ait jamais lieu ! En Sarthe, nous menons ce combat de pair avec le Collectif pour la paix. Nous n’en sommes pas les porte-parole, mais vous pouvez retrouver au moins ses manifestations publiques sur ce site (dans — Rechercher — sur la page d’accueil).
Pognon de dingue ou TIAN ?
Beaucoup, beaucoup, beaucoup de dépenses sont engagées. Et bien au-delà des capacités propres de financement du pays. La France va dépenser 37 milliards d’euros pour son réarmement nucléaire (25 milliards d’euros pour la période 2019-2023, puis deux fois six milliards en 2024 et 2025). Elle tourne inexorablement le dos à l’opportunité historique de sortir de l’abominable escalade de la terreur nucléaire. Non seulement elle n’a ni signé, ni ratifié le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) entré en vigueur le 22 janvier 2021 (c’est là : ▶), mais elle a aussi usé de l’influence qui lui reste pour dissuader nombre de pays d’y adhérer. Ce faisant, elle se met au ban de nombreuses autres nations non dotées et de l’opinion internationale.
Question : combien de temps la France peut-elle encore se leurrer sur ses capacités économiques et leurrer sa population sur sa force de dissuasion ?
Notes
[1] Au Japon, bien d’autres codes et rituels empreints de religiosité sont associés à cette construction onirique de l’histoire d’une hibakusha (survivante de l’explosion des bombes atomiques) et d’une fable.
[2] Vendredi 19 février, lors de sa visite au centre DGA (Direction générale de l’armement) Techniques hydrodynamiques de Val-de-Reuil (Eure).
[3] Une fois construit (un programme de plus d’une dizaine d’années), ces quatre SNLE devront assurer la continuité de la dissuasion océanique française jusqu’aux années 2080-2090.
[4] Pour limiter l’addition — sonnante et trébuchante —, leur dimensionnement a été « contenu » pour s’adapter aux contraintes de leur base de l’Île-Longue (Finistère), qui, sinon, aurait dû être totalement rebâtie !
[5] Comme les coûts, les délais dans le domaine sont rarement tenus.
Crédit photo : Philippe Roussel. Affiche (Sadako…) : La Fière Allure.