Centrale PV de Vaas : la ville passe du vert kaki au vert tendre


Mai-juin 2021 – Vaas (Sarthe)

Nous l’avions imaginée — fantasmée — alors que nos combats d’hier ont pu être de lutter contre l’extension des camps militaires du Larzac et de Fontevraud [1], d’empêcher EDF de « surgénérer » à Malville et d’atomiser à Flamanville, Erdeven, Plogoff… L’ancienne dominante kaki qui a longtemps marqué Vaas et Aubigné-Racan a laissé place à une vaste houle bleue électrique mais… voltaïque, produisant une énergie décentralisée, renouvelable, douce, verte… Euh ! on n’a pas écrit désintéressée !

Après Thorigné-sur-Dué, Fillé-sur-Sarthe, Allonnes, Rouez[2] et Grandchamp, c’est au tour de Vaas d’accueillir la sixième centrale solaire au sol du département.

Plusieurs autres parcs sont prévus sur notre territoire (dont bientôt celui de la gare de triage du Mans). Pour l’heure, c’est le plus étendu, mais un des prochains sera probablement plus grand encore… et en partie védaquais [3] (infra). 

Une sixième centrale solaire en Sarthe

Localisation. — La nouvelle ferme solaire, objet du billet de ce jour, a enfin été connectée au réseau au  mois de mai. Les premiers panneaux avaient été posés fin février 2020 ! Elle est établie au lieudit le Camp, sur une des trois aires de la zone d’aménagement concerté (ZAC) Loirécopark [4], qui court sur plusieurs communes. Soit en lieu et place de feu l’Établissement de matériel de Vaas-Aubigné-Racan (ex-dépôt de munitions dit Étamat), qui a occupé les lieux  plus de huit décennies durant. Avec son cortège de malheurs (Occupation, colonialisme…) et ses reliquats pyrotechniques et amiantés (cf. encadré couleur kaki, infra). Située à 1,3 km au nord du centre-ville, l’accès au site (aussi ex-entrée d’Étamat) se fait par la RD 30 reliant Vaas à Mayet.

Promoteur, réalisateur et gestionnaire. — Au final, c’est la société 408 Energy qui a été lauréate de l’appel d’offres 2017/S 238-494941 lancé par le SDESS (organisme aujourd’hui dissous). Cette SASU, Société par actions simplifiée à associé unique, est à 100 % filiale du groupe français Urbasolar, basé à Montpellier (Hérault), lui-même dans le giron du groupe Suisse Axpo (producteur et distributeur d’électricité) depuis 2019. La communauté de communes Sud-Sarthe a finalisé l’opération le 17 septembre 2019 par l’octroi d’un bail emphytéotique d’une durée de trente ans au profit de la susdite société.

Les doléances administratives, associatives et citoyennes. La couverture optimale du site en panneaux solaires a finalement été revue à la baisse (24 ha contre 40 au départ) pour tenir compte « des zones d’évitement à enjeux préalablement identifiés » comme c’est savamment dit. Comprendre : la protection des mares et zones humides, landes, zones herbacées, haies… liées à la présence d’espèces ou d’habitats floristiques et faunistiques protégés (avifaune, chiroptères, amphibiens, reptiles, papillons [l’azurée du serpolet notamment], etc.), autant d’avis, d’expertises et de préconisations qui ont été portées par l’autorité environnementale (MRAE), l’enquête publique et son commissaire, le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), Sarthe Nature Environnement (SNE)… Nonobstant,  le promoteur est aussi soumis à la mise en place de mesures de compensation et d’intégration (plantation d’arbres d’essences locales en périphérie nord du site et d’une haie bocagère à sa limite est). Plus diverses astreintes : fauche tardive ou étalées dans le temps, sans emploi de produits phytosanitaires pour l’entretien du site… et à un calendrier de contrôles balisés par la préfecture. Un suivi et une vigilance citoyennes auraient évidemment toute leur pertinence ici.

Le préfet de la Sarthe a pris deux arrêtés portant servitudes d’utilité publique relatives au caractère dégradé et anthropisé du terrain (amiante et reliquats pyrotechniques). Il n’y a donc aucun conflit d’usage potentiel, agricole et urbanistique notamment. L’écopâturage ovin pour l’entretien du site y a été prohibé, suite à l’intervention de la DDPP, Direction départementale de la protection des populations.

L’unité de production. — L’unité de production photovoltaïque au sol de Vaas occupe une emprise clôturée de 24,60 hectares, soit l’équivalent d’environ trente terrains de football, sur une aire quasiment concentrique à l’ancien site de munitions et correspondant, grosso modo, à sa dépollution pyrotechnique à 2 m de profondeur.

Ce parc est composé de 1973 structures porteuses — dites trackers — de 2,43 m de hauteur maximale, orientables de 25° et capables de suivre la course du soleil d’est en ouest au cours d’une journée. À axe unique, donc (les trackers à deux axes suivent également le soleil selon les saisons de l’année). Elles sont fixées au sol par des pieux battus enfoncés jusqu’à une profondeur moyenne de 1,50 m. Chacune des structures rassemble vingt modules photovoltaïques (au verre traité antireflet) de 2 m² chacun et d’une puissance unitaire de 435 watts crête [5]. Soit 39 460 panneaux et 78 920 m² de surface au total.

Si l’ensoleillement n’est pas celui du sud de la France mais celui du sud de la Sarthe, le site bénéficie quand même de 1 750 à 2 000 heures d’ensoleillement par an. La puissance installée du parc se situe entre 17 et 18 mégawatts crête et le productible annuel d’électricité escompté avoisine les 19 800 MWh selon le porteur du projet. Soit l’équivalent de la consommation d’environ 9 100 personnes (hors chauffage), soit environ 40 % des 23 121 habitants (chiffres de 2017) des 19 communes de la communauté de communes Sud-Sarthe (vs 1er janvier 2018). Le promoteur — ici (et ci-dessus) juge et partie — évalue l’économie d’émission de CO² (comparée à l’électricité équivalente produite à partir de combustibles fossiles) à 6 571 tonnes par an. 

Pour assurer la conversion du courant continu produit en courant alternatif HTA injectable dans le réseau géré par Enedis, huit postes de transformation (plusieurs onduleurs et un transformateur) de 36 m2 répartis sur le site (soit 288 m2) ont été construits et reliés au poste de livraison (de 22,5 m²) du Lude ou de Montval-sur-Loir [ex Château-du-Loir]).

Pépettes. « Sous » François de Rugy, ce parc a fait partie des seize projets sélectionnés d’un appel d’offre expérimental du ministère de la transition écologique et solidaire mettant en concurrence des projets solaires et éoliens terrestres. Les lauréats, pour un volume de 200 MW — tous solaires — valoriseront l’électricité produite à un prix moyen de 54,94 €/MWh.

L’investissement affiché du promoteur et gestionnaire 408 ENERGY serait de 14 millions d’euros (selon Ouest-France, fin février 2020). Un financement participatif limité a aussi été proposé à la population environnante à l’été 2020.

Á partir de la mise en service de la centrale, la Communauté de communes Sud-Sarthe et Loir, Lucé, Bercé percevra une redevance annuelle de 1 000 € par ha occupé (soit 24 000 €). Elle sera aboutée  en 2022 de la TFPB, Taxe foncière sur le bâti, et de la CFE, Cotisation foncière des entreprises, pour un montant annuel de 100 000 € (c’est une enveloppe globale, la répartition entre commune, CC, département et région n’est pas renseignée).

Incendie. — Pour sa sécurité, le parc dispose aussi d’une réserve incendie de 120 m³ et de 3 400 m de desserte viaire périphérique et interne (plus des aires de retournement) accessibles et carrossables par tout temps par les autopompes (16 tonnes en charge) des sapeurs-pompiers du SDIS. Enfin, un local de maintenance type conteneur de 15 m² complète l’infrastructure.

Sûreté. — Pour la protection des installations, le site est ceint d’une clôture grillagée (ajourée à la base pour la continuité faunistique) de 2 m de hauteur et de 2 314 m de périmètre. Elles sont également surveillées par dix caméras reliées à une unité de contrôle permanent située hors du site.

Entretien. On l’a vu (supra), le pacage ovin (souvent retenu sous les couverts photovoltaïques pour débroussailler) y  est proscrit pour cause d’amiantage résiduel des sols. Il devra se faire manuellement ou mécaniquement et surtout sans produits chimiques. Le nettoyage des panneaux s’effectuera à la lance à eau haute pression sans aucun détergent là aussi.

Détachement. On l’avait déjà remarqué sur les chantiers éoliens (sur celui de René/Thoiré-sur-Contensor par exemple), le travail sur les chantiers d’énergie renouvelable semble notoirement « partagé » ! En mode ultralibéralisme s’entend. Si les travaux de génie civil ont été assurés par la société Cola Centre-Ouest de Spay-Allonnes, d’autres l’ont été par des prestataires périphériques dont ont aimerait connaître les conditions d’employabilité. Ici, Action Energie (SigueSol), société belge pour les fondations ; Sunotec, société bulgare (de trente à quarante  salariés) pour le montage des structures… Sans doute, ce « détachement » ne concerne-t-il pas le coût de la masse salariale des susdites entreprises retenues…

1 – 2 – 3 soleil !

Un second projet est dans les cartons de la communauté de communes Sud-Sarthe sur une autre partie du même ancien camp militaire, à cheval sur Vaas également et Aubigné-Racan. Sur l’immense parcelle de Loirécopark 1, cette fois. Plus ambitieux encore ! Le permis de construire a été déposé dans l’année 2020 et suivi d’une consultation publique en décembre de la même année.  S’il voit définitivement le soleil, il sera sans doute le plus grand parc des Pays de la Loire pendant longtemps puisqu’il est envisagé sur un total de 43 ha répartis en trois zones disjointes : zone nord : 28,2 ha, zone sud-ouest : 5,5 ha, zone est : 9,3 ha. L’emprise sur  Aubigné-Racan sera de 32,6 ha  et de  10,4 ha sur Vaas. La puissance crête totale du parc sera de 38 MWc environ. Nous vous en avions déjà parlé ici : , en même temps qu’un autre projet à Aubigné-Racan qui resurgit, lui aussi, et qu’on réactualise infra. Les deux projets ont cependant bien évolués depuis.

Des fouilles romaines au site néo-énergétique en passant par l’anthropocène

Un troisième parc est projeté à Aubigné-Racan, sur l’ancien CET, centre d’enfouissement technique (un euphémisme pour : décharge, dépotoir, big poubelle…), du Syndicat mixte du Val de Loir, au lieudit le Gravier (CET créé en 1978, désaffecté en 2001). Malgré sa  réhabilitation en 2002, le site reste lui aussi impropre aux activités agricoles. Ce projet (dont nous avions également parlé ici : ) porté par la société IEL Exploitation 32 a été remanié et a fait l’objet d’une nouvelle enquête d’utilité publique. Prévue du 9 mars au 10 avril 2020 durant trente-trois jours consécutifs, elle a été suspendue durant l’intermède Covid-19 (confinement et suspension de l’activité induite) et reprise du 11 juin au 10 juillet 2020. Nous y reviendrons le moment venu.

La puissance installée de cette centrale photovoltaïque au sol avoisinerait les 5 MWc. S’y adjoindraient trois postes techniques (avec deux onduleurs/poste) et un poste de livraison. L’emprise totale du projet serait de 10,6 ha, dont 7,3 ha de surface utile. Avec 14 350 modules photovoltaïques fixes orientés plein sud à 25 ° sur quarante-six rangées, l’ensoleillement local moyen permet d’espérer une production d’environ 5,7 millions de kWh/an, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’électricité d’environ 1 640 personnes, chauffage inclus (chiffres de l’opérateur, base 3 500 kWh par personne et par an).

Un quatrième projet est aussi à l’étude dans une ancienne carrière de la commune de La Chapelle-aux-Choux, mais on va peut-être arrêter là ce trop long article.

Le monde d’après

Le renouvelable progresse, on s’en réjouit, même s’il croît trop lentement (et reste bien en deçà des déjà modestes ambitions de la PPE, Programmation pluriannuelle de l’énergie, entre autres projections). Mais il avance aussi avec avec un faux nez. Des gouvernements successifs aux industriels de l’énergie en passant par la très instrumentalisée et instrumentalisatrice Société française d’énergie nucléaire (SFEN) et autres influenceurs (type J-P Jancovici, lire notre communiqué ici : ), tout le monde s’en empare, le  plébiscite. Dépouillé de son tout, le concept a intégré le miroir aux alouettes de — leur — monde d’après. Mais en trompe-l’œil, pour ne rien lâcher sur le reste extractif, fossile ou fissile. Ainsi ont-ils pu afficher un discours écoresponsable, bas carbone et investir massivement ailleurs, dans le charbon, le pétrole, le gaz de schiste… et remettre le couvert du prolongement sempiternel des centrales nucléaires, d’en imposer de nouvelles, voire d’en rendre son recours incontournable (cf. plus loin). Ajouter un saupoudrage de solaire a un projet démentiel suffirait même à le rendre vertueux. Ainsi, l’insane projet Béner n’a pas déroger à sa très marginale note solaire (un maire hasardera même le souhait qu’il en soit fait un peu plus. Validerait-il pour autant le projet ? On voit même le marché de l’immobilier neuf communiquer sur des toitures équipées de tout au plus 4 (quatre) m² de panneaux photovoltaïques… Abracadabrantesque !

Il est plus que temps de convertir les esprits au plafonnement électrique, puis de réduire drastiquement nos consommations d’énergie : domestiques, industrielles… et fermer la boutique nucléaire ! Tout le contraire de ce que manigance en catimini Macron et ses gouvernements qui envisagent des modifications de la réglementation, des glissements de normes et de nouvelles directives pour les logements neufs et la rénovation énergétique du parc existant, visant aussi à ce que le chauffage électrique (nucléairogène, aléatoire et ruineux pour les plus démunis) redevienne la norme dès 2021 ! Tripatouiller les normes pour baisser les taux d’émissions et augmenter la demande électrique pour justifier le maintien voire l’augmentation de l’offre nucléaire sont un non-sens et une réponse totalement inadaptée à l’urgence climatique.


[1] Peu de choses disponibles sur le web sur ce combat contre l’extension du camp militaire de Fontevraud ! Un aperçu du dossier, c’est ici : , un autre, là : . Ce camp abrite le 2e régiment de dragons. Le 2e RD est l’unique régiment de l’armée de Terre organisé pour « faire face » aux menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC).

[2] Retrouvez ces cinq centrales ici : Thorigné-sur-Dué : , Fillé-sur-Sarthe : , Allonnes : , Rouez : et Grandchamp : .

[3] De l’ancien nom de Vaas : Vedatio, chef-lieu d’une condita sur le territoire du Vedacensis d’où le nom des habitants du village, les Védaquais.

[4] L’État a cédé les immenses terrains (120 ha) occupés par Étamat, fermé en 2002, au Syndicat de développement économique du Sud-Sarthe (SDESS). Ce dernier va y concevoir une ZAC offrant des terrains à bâtir appelée Loirécopark, fléchant l’activité tertiaire et industrielle. La crise de 2008 et la difficulté de commercialiser les lots vont cependant rebattre les cartes et contraindre les décideurs locaux à envisager d’autres types de projets industriels, y compris… de type Seveso (la commune abrite déjà l’usine Israel Chemicals Limited [ICL] classée Seveso seuil haut, avec un lotissement en voisinage)… Finalement, la zone Loirécopark 2 (45 ha), d’abord pressentie pour devenir une plateforme dédiée à la logistique en raison des embranchements ferrés préexistants et de la proximité de l’A28, va revenir — en second choix — vers ce projet de centrale photovoltaïque. En 2018, le SDESS a remis les clés de la ZAC à la communauté de communes Sud-Sarthe (cf. aussi, encadré).

[5] La puissance « crête » (ou nominale) désigne la puissance maximale que celle-ci peut délivrer au réseau électrique dans des conditions optimales d’ensoleillement et de température. Une puissance crête de 17 MWc signifie que l’installation est capable d’une puissance maximale instantanée de 17 000 000 W.

[6] Nous avons consacré une longue page à cette belle personne (fortement engagée contre le nucléaire civil et militaire) et a « son » parc, c’est ici : .

[7] Nous avons consacré plusieurs posts à cette funeste entreprise sarthoise — Alsetex —dont la diversité d’activité va du « pétartifice » (expression juvénile de mon fils) aux grenades d’avalanche, mais aussi et surtout à tout un arsenal d’engins au service du maintien de l’ordre, c’est par exemple ici : . Mais vous pourrez saisir Alsetex dans la fenêtre recherche sur notre page d’accueil, pour découvrir d’autres articles sur cette entreprise.

[8] Si la mixité civile-militaire n’a pas toujours été de mise, celle des genres l’aura encore bien moins été puisque sur huit décennies, une seule femme y a travaillé.

[9] Dans cette vidéo : Yves Lahoux, à l’époque adjoint au maire d’Aubigné, y parle de 9000 impacts.

[10] Selon l’association Robin des Bois, les projectiles non explosés peuvent s’enfoncer jusqu’à 9 m de profondeur. Du coup, on comprend mieux que le règlement intérieur de la future zone d’activités y interdise l’extraction en carrière, c’est là :  (aller à région Pays de la Loire, juillet 2010).


Crédit photos : SdN 72 (prises au cours de la construction du parc en juin 2020) .

(17,990 17,993 ailleurs)  (46 500 ailleurs). du Lude ou de Montval-sur-Loir [ex Château-du-Loir]).  Les architecte concepteurs du projet : Bernard, Rahmen et Bouilhol.

https://www.aubigne-racan.com/wp-content/uploads/2020/07/PC-Loirecopark_Pi%C3%A8ces-graphiques-PV.pdf