2017 – 2022 – Le Mans-Arnage (Sarthe)
Depuis l’été 2021, une nouvelle centrale photovoltaïque, entre Le Mans et Arnage, délivre ses kilowatts verts aux consommateurs [1]. Enclavée dans l’ancienne gare de triage, sur une emprise de près de 17 ha (dont 13,5 ha de surface utile), elle se dérobe pourtant à notre observation. Sauf aux usagers SNCF de la ligne Le Mans-Tours et retour (cf. photos). Sa puissance crête est d’environ 12 mégawatts.
Son développeur : la SAS Airefsol Energies 6. L’exploitant (et plus) : Arkolia Energies (cf. plus bas).
Du rail aux rais de soleil
Installée entre deux proches agglomérations, Le Mans et Arnage, cette nouvelle centrale se fait effectivement très discrète. Même du voisinage, dissimulée qu’elle est à nos regards par des bâtiments industriels et une grande partie de l’année par des talus boisés et autres rideaux végétaux. Les — rares — habitations les plus proches, à plus de 150 m, et les établissements accueillant du public, à plus de 300 m, ne souffrent d’aucune covisbilité. La ferme emprunte une surface anthropisée et délaissée depuis près de vingt-cinq ans sur une fraction en marge de ce qui reste de la moribonde gare de fret du Mans [2]. Elle se situe entre la rue de la Foucaudière au nord, du quartier Oasis (face au centre des expositions) et de l’ex-ERGM à l’ouest, d’Arnage au sud et de l’avenue Pierre Piffault à l’est, derrière la zone d’activités logistiques routières et GDE (Guy Dauphin Environnement).
Ultérieurement, deux zones, l’une de 22,6 ha au nord et une seconde au sud de 8,5 ha, pourraient faire l’objet de projets d’extension.
Qui fait quoi ?
SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France), second propriétaire foncier après l’État, était et reste détenteur de ce terrain. En 2011, l’opérateur ferroviaire — via SNCF Immobilier — s’est associé à Eolfi, spécialiste des énergies renouvelables (aussi filiale à 100 % du groupe extractiviste Shell depuis décembre 2019 [3]). Ces deux entités ont alors créé l’entreprise (joint venture) Airefsol Énergies pour développer des projets solaires photovoltaïques sur les terrains délaissés de toute fonction ferroviaire, voire impropres à l’immobilier résidentiel, à l’agriculture et autres activités impliquant un conflit d’usage (cf. § plus bas : La SNCF carbure au soleil ?). La friche du Mans-Arnage intégrait tous les prérequis pour un projet solaire. Cependant, comme l’ex-terrain militaire Etamat de Vaas qui a laissé place à une immense centrale solaire (c’est là : ▶), ce terrain a lui aussi été copieusement bombardé lors de la Seconde Guerre mondiale. Une dépollution pyrotechnique (quelques bombes y ont été retrouvées) et un désamiantage partiel ont été nécessaires.
Airefsol a d’abord développé la partie amont du projet. Arkolia Solar Park 7 (filiale à 100 % du groupe Arkolia Energies), a ensuite procédé à la partie finale du développement, puis son financement (infra), sa construction, désormais l’exploitation et la maintenance de la centrale. Elle est titulaire d’un bail emphytéotique de 25 ans.
Fiche technique
On l‘a vu, cette centrale pourra atteindre un plafond de 11,95 MWc. Pour y parvenir, via la technique découverte par le physicien français Alexandre Edmond Becquerel en 1839, puis Charpin, Person et Fuller en 1954 [4], 27 588 modules photovoltaïques, « de technologie silicium cristallin à haut rendement » ont été rassemblés sur 572 tables porteuses inclinées à 25°. Ces structures sont arrimées au sol par des pieux battus et disposées en 145 rangées espacées d’environ 5 m, orientées au sud (cf. § plus bas : Aérodrome), d’une hauteur maximum de 3 m, réparties sur une superficie clôturée de 17 ha (avec passages pour la petite faune) incluant une voie périphérique de 5 m [5] pour sa maintenance, les secours incendie (tout en créant une bande pare-feu), etc.
La production escomptée est de l’ordre de 11 400 MWh/an, soit l’alimentation d’environ 4 500 foyers et/ou 9 600 habitants (hors chauffage, eau chaude et nouvelles mobilités).
Cinq postes de transformation (équipés d’onduleurs convertissant le courant continu produit par les modules PV en courant alternatif et de transformateurs permettant d’élever le courant en moyenne tension HTA de 20 000 Volts), plus un de livraison, raccordé au poste ERDF situé au sud d’Arnage (route du Lude), complète l’installation électrique. Le site accueille également une citerne d’incendie de 120 m3 conformément aux exigences du SDIS (sapeurs-pompiers).
Impacts environnementaux
Selon le maître d’ouvrage, outre sa contribution électrique, la centrale permettrait également d’éviter l’émission d’environ 5 000 tonnes d’équivalent CO2 dans l’atmosphère chaque année. Toutefois, une partie du terrain a légèrement été reprofilée sur une surface de 57 600 m2 (après une consultation publique préalable du 8 au 22 février 2017 par voie électronique). Des arbres épars et des bosquets ont été arasés, le captage « naturel » du dioxyde de carbone n’opérant plus, l’évitement est sans doute a relativiser.
Parmi les cent onze espèces végétales recensées (dont des invasives), une parcelle boisée, dite zone d’évitement, a été conservée afin de préserver l’habitat d’une plante protégée, l’hélianthème faux-alysson (qu’on retrouve sur le site constructible controversé du Fouillet, au Mans, rues du Soleil et de Ruaudin). Le lézard de murailles et l’orvet fragile (lézard sans pattes), deux espèces animales menacées au niveau national, vont bénéficier d’abris. Faune et flore bénéficieront d’un suivi régulier les cinq premières années, puis, à des échéances plus espacées ensuite.
Aérodrome
Situé dans un rayon de moins de 3 km de l’aérodrome des Raineries (Arnage), le parc solaire a fait l’objet d’une étude des services de la direction générale de l’aviation civile en novembre 2015, et les capteur accordés afin d’éviter toute réverbération gênante du soleil pour les pilotes et la tour de contrôle. En partie sud du parc, les lignes de panneaux PV ont été orientées au sud-ouest.
Oseille
Le coût du développement et de la construction de la centrale serait d’environ 8,8 à 9,1 M€, selon les sources. Le financement comprend des apports du groupe Arkolia Energies (chiffre d’affaires de 99 M€ en 2021), des financements bancaires et très marginalement participatifs, exclusivement proposés aux habitants du département et ceux limitrophes : 28, 37, 41, 49, 53, 61 [6]. Soit 400 000 € en obligations convertibles collectés chez ces derniers. Juste de quoi bonifier le rachat du MW/h par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de quelques euros supérieurs (de 1 à 3 € par MW/h, sur vingt ans) pour cet élargissement citoyen. Le projet a en effet été colauréat de la troisième période de l’appel d’offres lancé par la CRE 4 « PV Sol » de 2018 lui garantissant un tarif d’achat de la production. Avec la prime au financement participatif, le rachat aurait été contractualisé à 52 € le MWh.
Les retombées économiques pour la collectivité (cotisation économique territoriale et impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux) ne nous sont, cette fois encore, pas connues-dévoilées-communiquées !
Bémol !
Si l’on se réjouit de l’augmentation de la production d’une énergie plus verte sur notre territoire, on attend d’abord de l’opérateur ferroviaire de mieux performer sur son cœur de métier : la mobilité et la logistique des marchandises. Le fret ferroviaire, ici ! Reste à veiller qu’un jour, cette nouvelle centrale PV n’obère pas la renaissance dune véritable plateforme dédiée au susdit fret ferroviaire qui reste à redynamiser fortement localement, sur le pays et au-delà pour pallier notamment les impacts du transport routier sur le climat.
Au cours de l’enquête publique (du 28 août au 28 septembre 2017), les élu-e-s écologistes de l’agglomération mancelle ont aussi obtenu des garanties de compatibilité avec un éventuel projet de base arrière de délestage, émis en 2010, pour les ports du Havre, de Nantes et de Saint-Nazaire.
La SNCF carbure au soleil ?
La société Airefsol Énergie 9 est aussi porteuse du projet de centrale photovoltaïque au sol, au lieudit « Le Beucher » à Saint-Mars-La Brière, d’une emprise de 9 ha et d’une puissance escomptée de 5 MWc. Des riverains en sont courroucés. Pourtant, les panneaux photovoltaïques seront en léger contrebas et orientés de trois quarts vis-à-vis des maisons les plus proches et dissimulés par une végétation dense existante qui sera néanmoins réduite en largeur. L’enquête publique s’est tenue du 1er au 31 juillet 2021.
SNCF Réseau envisage aussi de « photovoltaïser » ses délaissés de voies, notamment certaines emprises foncières inexploitées, à l’expiration des travaux de la ligne à grande vitesse. Vallon-sur-Gée, Coulans seraient concernés. Le fer n’a pas laissé que de bons souvenirs le long de la saignée et n’est pas plus nickel sur l’après (bornage…) et pourrait avoir à « croiser le fer » avec les communes concernées.
Étonnamment, c’est la société Nexity Property Management, spécialisée dans l’administration de biens immobiliers, que la SNCF a mandaté pour développer la centrale PV de 5 MWc sur l’un de ses terrains situé à Lavenay (commune déléguée de Loir-en-Vallée), en limite du Loir-et-Cher, près de La Chartre-sur-le-Loir. Difficile d’y retrouver ses petits, sans doute est-on là dans l’imbroglio de sociétés gigognes propre au libéralisme décomplexé.
À contrario, c’est à IEL (Initiatives Énergies Locales), en collaboration avec l’entreprises Enolya et la commune de Château-d’Almenêches (dans l’Orne, entre Sées et Argentan), sur des friches de la SNCF, que nous devons la centrale PV de Surdon, de 17 ha, alimentant l’équivalent de 10 000 habitants, inaugurée au solstice de l’été 2019.
Conclure
Pour se défaire du nucléaire tout en obviant le réchauffement climatique, la France doit faire plus, mieux, et plus vite, sans viser pour autant une chimérique croissance économique, et, avant tout, prioriser la sobriété et l’efficacité énergétique, mais aussi des EnR. Le pays est en retrait de tous ses engagements : franco-français (et a été condamné de cette insuffisance), européens, mondiaux (Cop 21), concernant ses émissions et alternatives. Tout euro investi dans le nucléaire est soustrait à la rénovation de l’habitat, l’isolation, aux énergies de moindres émissions, décarbonatée, décentralisées…
Au niveau mondial, la France reste à la traîne concernant la puissance installée en solaire PV par habitant. Si l’Australie (extrêmement favorisée par l’ensoleillement et l’espace) carbure toujours massivement au charbon, elle est en tête de la production solaire PV avec 826 W/hab. ; viennent ensuite l’ Allemagne : 652 W/hab. ; les Pays-Bas : 603 W/hab. ; le Japon : 563 W/hab. ; la Belgique : 540 W/hab. ; la Suisse, l’Italie, la Grèce, l’Espagne et Israël : 301 W/hab… La France pointe loin derrière avec 157 W/hab. ! En cause, son choix historique et irresponsable du tout-nucléaire et sa poursuite envisagée par ses dits « responsables », leurs gouvernements et affidés ! La France pourrait aussi être mise à l’amende par l’Union Européenne (on parle de 500 M d’euros) pour ne pas avoir respecté ses objectifs de développement des énergies renouvelables en 2020 !
Notes
[1] L’été 2021 ! Sa mise en service était initialement prévue au premier trimestre 2020.
[2] Construite entre 1911 et 1916, la gare de triage du Mans a longtemps été une véritable plaque tournante de l’Ouest. Fortement endommagée lors de la Seconde Guerre mondiale, elle retrouve une forte activité jusqu’à la moitié des années 70, classant jusqu’à 1 432 wagons par jour, avant d’être réduite à une zone locale dans les années 90 et abandonnée à l’aube du XXIe siècle.
[3] Cette compagnie pétrolière — seconde mondiale dans le secteur des hydrocarbures — est aussi l’une des principales entreprises émettrices de GES et une lobbyiste forcenée contre toute mesure visant à les contenir. Elle est aussi tristement célèbre en France suite au naufrage de l’Amoco Cadiz à Portsall (Finistère), en mars 1978. Le supertanker dont elle était affreteuse naviguait sous pavillon libérien mais appartenait à la société américaine Amoco (filiale de Standard Oil of Indiana). Il transportait du pétrole depuis le golfe Persique vers l’Europe, qu’il a vomi sur les côtes bretonnes, provoquant la troisième marée noire de l’histoire en Cornouailles après le Torrey Canyon en 1967 et le Boehlen en 1976. Tout comme la litanie des accidents nucléaires, cette liste n’est hélas probablement pas close.
[4] L’effet photovoltaïque, c’est la capacité de certains matériaux à convertir directement la lumière en courant électrique continu. En 1839, Edmond Becquerel découvre les effets électriques produits sous l’influence des rayons solaires. La première cellule photovoltaïque ne sera développée que soixante ans plus tard. Nous vous en avions parlé ici : ▶.
[5] Pour comparer, le lac voisin de la Gèmerie fait 14 ha (3 de moins).
[6] La réglementation qui encadre ces appels d’offres incite les développeurs à associer les citoyens résidants voisins, du département ou limitrophes, au financement de leurs projets et les « rémunère ».
Crédit photos : SdN 72.
Addendum
Le ruban inaugural de cette centrale n’a été coupé que le jeudi 30 juin 2022, un an après sa mise en fonction. Lors de ce raout, Jean-Pierre Farandoux, PDG du groupe SNCF, a souligné que 80 % des motrices de son parc fonctionnait à l’électricité, et que, Réseau SNCF était le premier consommateur industriel d’électricité en France avec 9 milliards de kilowattheures consommés par an (9 terraWH/an). « Le fer contre le carbone » aimerait scander le PDG. Que lui et ses prédécesseurs ne s’y sont-ils pas attelés plus tôt ! Pour « mieux valoriser les mobilités décarbonées », il est urgent de produire une énergie à partir des EnR, mais aussi de remettre le fret ferrovaire sur les rails pour considérablement diminuer le trafic du transport routier, gros pourvoyeur de CO2 . Et pas que !