Mardi 4 octobre 2022, de 18 heures à 19 h 30), à la librairie Thuard, au Mans, 24 rue de l’Étoile
Nous avions ce même projet : inviter Hervé Kempf [1] pour son dernier opuscule : Le nucléaire n’est pas bon pour le climat. La librairie Thuard a «dégainé» la première…
Il a fallu pousser les murs ! C’est évidemment une image, car avec ses trois niveaux, la librairie Thuard est immense, et l’espace « Sciences » disponible (au deuxième étage) est petit ou grand, selon l’audience de l’invité. Cette fois, les corridors (qu’on ne voit pas sur notre photo) ont été réquisitionnés…
Près d’une cinquantaine de personnes ont effectivement pris de leur temps en fin de journée pour ce sujet clivant du nucléaire et de sa pseudo opportunité pour sauver le climat. L’auteur et rédacteur en chef du site Reporterre, « le quotidien de l’écologie » qu’il a lancé voilà quinze ans, est connu, interviewé, invité, médiatique. Son précédent passage en cette librairie remonte au 9 octobre 2020 (dans le cadre du festival Faites lire) pour son livre Que crève le capitalisme ; ce sera lui ou nous [2].
Visiblement, une belle et bonne surprise pour la librairie Thuard qui organisait cette conférence-débat. Mais aussi pour nous, SdN 72 (bien représentée), en ses temps de réhabilitation et de relance du nucléaire alors que TOUT plaide en sa défaveur [3] et sans que la représentation politique (à quelques exceptions près) ne veuille ni entendre ni apprendre rien des autres qui font d’autres choix.
Hervé Kempf a avant tout présenté un résumé de son livre au public. Un ouvrage volontairement concis (60 p.) et conçu pour être d’abord et avant tout à la portée de chacun, développement, réflexion et bourse comprise. Il en a repris la plupart des entrées, formulé les récriminations concernant essentiellement le nucléaire mais sans omettre d’énoncer et de caractériser les chimères et modèles éculés de ce monde qui le précipite à sa perte et nous oblige à l’envisager différemment.
Nous ne pourrions mieux présenter le livre d’Hervé Kempf Le nucléaire n’est pas bon pour le climat que ne l’ont fait lui et son éditeur. Voici son propos : « Étrange obsession française : parier sur une énergie devenue marginale dans le monde, plus coûteuse que les énergies renouvelables et créant des risques incommensurables. Mais le nucléaire n’est pas seulement le signe de la faillite de la classe dirigeante du pays. Il exprime une vision du monde dépassée, rêvant d’une croissance sans limite et permettant de maintenir un ordre inégal et autoritaire. Face au climat, il nous faut repasser par la raison : les voies de l’avenir sont une économie vraiment sobre et reposant sur les énergies renouvelables. »
Vous pouvez aussi retrouver une version de l’auteur très proche de cet opuscule sur le site numérique de Reporterre en cinq volets, ici ▶.
Les échanges avec un public manifestement composé d’avertis ont aussi permis à Hervé Kempf de complémenter un exposé (le premier en librairie pour ce livre) déjà bien troussé. Citons : la place relative de l’électricité dans la consommation d’énergie finale d’environ 25 % en France ; les relations de subordination avec le Niger et/ou dépendance avec d’autres pays producteurs d’uranium, plutôt sous-estimées à notre goût [4] (le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, aux relations ambiguës avec Poutine et dont l’acheminement du combustible dépend de lui, l’Australie, la Russie, le Canada…) ; l’absence d’embargo sur le nucléaire dans les sanctions prises contre la Russie (gaz, pétrole… sauf nucléaire) ; la vulnérabilité des câbles de télécommunications qui complique, rend impossibile et/ou insécurise le pilotage des infrastructures nucléaires (aussi les interconnexions, oléoduc, pipe-line…) ; la limite des « petits gestes » et la nécessité de remettre de la justice sociale entre l’absurde enrichissement de l’oligarchie (cf. bibliographie, infra) et le delta de sa consommation comparée à celle des pauvres, etc.
Pour conclure, nous vous recommandons vivement la lecture de ce pamphlet, de le partager avec votre entourage et à engager le débat partout ou c’est possible, avec le très clair souhait qu’il galvanisera le plus grand nombre au tournant de ce nouveau programme de centrales nucléaires promis par des nucléaristes dans un total déni démocratique.
SdN 72 a aussi pris langue avec l’auteur pour un second rendez-vous (en 2023), sans doute dans une nouvelle librairie sarthoise qui fait du bruit.
Une demi-heure plus tard, une grande partie de ce public s’est retrouvé aux Cinéastes pour un film documentaire de Marie-Monique Robin avec Juliette Binoche consacré à « La fabrique des pandémies ». Une quête, à travers sept pays, des facteurs d’émergence des maladies infectieuses documentée par des rencontres avec des scientifiques du monde entier pour comprendre quels sont les liens entre la santé humaine et la santé des écosystèmes. D’où des zoonoses, des maladies infectieuses transmises aux hommes par les animaux : dengue, chikungunya, Covid-19, sida, Ebola…
Autant dire — là encore — une sérieuse remise en cause de nos modèles. Tout se tient, tout est corrélé ! Gardons-nous cependant de sombrer dans une sorte de solastalgie ambiante, compréhensible mais immobilisante, en reprenant l’initiative. L’exhortation conclusive de Juliette Binoche (à la toute fin du film) pour dynamiser l’action est sans détour : « BOUGEZ VOTRE CUL ! »
Le nucléaire n’est pas bon pour le climat, aux éditions Seuil, collection Libelle, septembre 2022, 60 p., 4,50 €.
[1] Hervé Kempf, né en 1957 à Amiens, est un journaliste et écrivain français environnementaliste, politique, engagé, anticapitaliste et pas que ! Ancien journaliste de Courrier international, La Recherche et Le Monde, il est l’actuel rédacteur en chef de Reporterre, c’est là : ▶. On recommande une lecture quotidienne de ce site à tout le monde et le soutien de ce média indépendant par tous ceux qui le peuvent.
[2] Hervé Kempf est l’auteur de plus d’une quinzaine de livres : Le nucléaire n’est pas bon pour le climat, Que crève le capitalisme : ce sera lui ou nous, L’écologie du XXIe siècle (collectif), Tout est prêt pour que tout empire, Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, etc. La liste de ses ouvrages est là : ▶.
[3] Plus de la moitié du parc était à l’arrêt cet été (32 réacteurs sur 56) ; déconvenues sur les EPR de Taishan 1 et 2 (Chine), de Olkiluoto-3 (Finlande), de Flamanville 3 (France) ; problèmes de corrosion sous contrainte, piscines de la Hague saturées, projet dément d’enfouissement de déchet à Bure (CIGEO), atome militaire convoqué, centrales civiles transformées en but de guerre voire en cible, coût du MWh nucléaire qui monte quand celui des EnR descend, mise en place compliquée, vulnérabilité aux dérèglements climatiques (sécheresses, inondations, submersion, tornades, embâcles, gels…), etc. Et la liste pourrait s’étirer encore longuement ! De près ou de loin, évidemment, Hervé Kempf, traite ces items dans les librairies, forums, livres… et sur Reporterre.
[4] La France importe la totalité de l’uranium dont elle a besoin. 6 286 tonnes en 2020 : Niger (34,7 %), Kazakhstan (28,9 %), Ouzbékistan (26,4 %), Australie (9,9 %).
Crédit photo: SdN 72. Portrait et couverture : capture d’écran.