Dimanche 22 octobre 2023 – Avoine-Chinon, partout en France
Ce n’est qu’une poignée de militantes et militants sarthois qui a rallié la rive gauche de la Loire ce dimanche 22 octobre pour se joindre au rassemblement antinucléaire devant la centrale nucléaire de Chinon (à Avoine-Port-Boulet plus précisément) [1]. Pour enrayer l’idée même de deux EPR à Chinon d’une part et stopper l’hémorragie de « 80 ans de nucléaire, un poison pour l’éternité » d’autre part. Un rendez-vous dupliqué en plus d’une vingtaine de lieux sur le territoire le plus nucléarisé du globe (dont deux interdits au prétexte de la sécurité !). Au plus près du département : Tours (la veille, infra [2]), Angers, Nantes, Saumur (le vendredi 13), Civaux, Caen, Dieppe, Flamanville…
Chacun et chacune de cette soixantaine d’antinucléaires (cf. photos ci-dessus) avait sûrement mieux à faire en cette fin de semaine, mais tous et toutes avaient à coeur de fustiger 80 ans de nucléaire existant, et… à venir sur nos territoires et nos ressources. De rappeler aussi son triste bilan général et local. Ici, en bassin ligérien [3] : accidents de St-Laurent-Nouan, pollutions, rejets permanents, démantèlements, mines, déchets… et là-bas : Maïak-Kychtym, Windscale-Sellafield, Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima et tant d’autres, qui devraient nous dissuader de le poursuivre autant que le relancer. Le poursuivre : avec la reconduction de l’activité des réacteurs bien au-delà de quarante ans, pour une exploitation de cinquante, soixante, voire… quatre-vingt ans. Le relancer : avec d’abord 6 nouveaux EPR 2, plus 8 plus tard annoncés par E. Macron début 2022. Mais aussi des SMR, le renouvellement des armes atomiques, sous-marins, porte-avions… La question d’un financement — crédible — de ce colossal projet n’avait cependant pas été présentée.
Pour les Ligériens – excentrés – que nous sommes, il s’agissait aussi de dénoncer avec les locaux et les régionaux riverains du fleuve royal plusieurs communications, résolutions et in fine un voeu pris par le conseil de la communauté de communes Chinon Vienne et Loire, début 2023, se déclarant « candidat à l’accueil de deux réacteurs sur son site d’Avoine » [4], et la motion de soutien (mais il y en a sûrement eu d’autres) du conseil municipal de Saumur, en juin 2023. Une paire d’EPR, rien de moins ! En plus des 4 REP en fin de cycle de 900 MWe, toujours en fonctionnement, sans compter les trois épaves de la génération UNGG (Uranium naturel graphite-gaz) dont EDF a différé le complet démantèlement à la fin de ce siècle, voire le suivant ! En candides voisins que nous sommes, en franchissant la Loire, ce dimanche 22 octobre, via le pont Port-Boulet, on a vite compris pourquoi il s’en est quand même trouvé quelques-uns, parmi les sept abstentionnistes du conseil de la CC Chinon Vienne et Loire, qui s’interrogeaient sur la compatibilité de son étiage à long terme et la gourmandise en eau de deux réacteurs surdimensionnés supplémentaires alors qu’il questionne dès à présent pour les 14 réacteurs qui jalonnent son « royal » cours.
Mais certain·e·s élu·e·s de la Sarthe ne supportent pas d’être en reste ! Télescopage hasardeux de l’actualité, la veille, samedi 21, le quotidien Ouest-France rapportait la généreuse distribution (sur les deniers publics) décidée par le président du conseil départemental de la Sarthe, M. Le Mèner, aux quarante-deux élu·e·s qui y siègent, la BD controversée Le monde sans fin de deux apologues du nucléaire, J.-M. Jancovici et Ch. Blain, avant de déclarer sa flamme pour un SMR (Small modular reactor) — lire notre lettre ouverte, ici : ▶ —, non pas dans son jardin, mais à Cordemais [5] (180 km à vol d’oiseau) en total solidarité avec cette autre Sarthoise, présidente de la région Pays de la Loire qui, elle, réclame en boucle un SMR à Cordemais et/ou, à défaut, un centre de production de SMR en série. Ce qui avait déjà — en son temps — mis la « rate au court-bouillon » des antinucs de l’Ouest, c’est ici : ▶.
Alors que plusieurs de nos voisins se sont défaits du nucléaire, la France, tout en plastronnant et démagogisant sur sa recherche d’un mix énergétique équilibré pour sauvegarder notre (ex-) pseudo excellence dans le domaine (pourtant déjà fortement mise à mal avec sa filière passée [REP] et pis encore avec sa prétendue « nouvelle » filière EPR), pointe plus médiocrement en bas du classement dans les renouvelables. C’est aussi que son « énergie » s’investit ailleurs, occupée qu’elle est à construire, en sous-main, des alliances — de l’ordre de la carpe et du lapin — pour échanger des soutiens favorables au nucléaire avec des pays de la Communauté européenne qui en cherchent sur certains fossiles (gaz notamment) [6], alors même que cette technologie (le nucléaire) s’avère fort coûteuse, dépassée, pavée d’ennuis et de risques, surconsommatrice d’eau qu’elle chauffe et pollue en retour, pourvoyeuse de déchets ingérables…
Face au « mesmériste » projet du renouveau nucléaire et certaines autres chimères « technosolutionnistes », c’est peu dire que la mouvance de ses opposants et opposantes peut et doit reprendre l’initiative. En 2024, la Coordination nationale antinucléaire appellera à plusieurs évènements de grande ampleur (cf. ci-dessous). D’ici là, vous pouvez rejoindre ses différentes coordinations régionales en la contactant par courriel : coord-antinuk@riseup.net. Retrouvez le récit complet de toutes les mobilisations ici : ▶.
Notes
[1] Le rassemblement devant la centrale de Chinon était plus particulièrement porté par le collectif Loire Vienne Zéro nucléaire (auquel SdN 72 participe) qui lui même s’inscrivait dans la journée nationale d’action « 80 ans de nucléaire, du poison pour l’éternité » de la Coordination antinucléaire (appel infra) dont SdN 72 est aussi acteur.
[2] Rencontre inédite, la veille (le 21), à Tours organisée par LVZn et, surtout, le groupe local SdN 37, avec les deux laboratoires indépendants créés aux lendemains de la catastrophe de la centrale Lénine dite de Tchernobyl : la CRIIRAD, Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité d’une part et l’ACRO, Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest, d’autre part. Avec mise en commun l’après midi et leur présentation publique en soirée et débat.
[3] L’état des lieux du nucléaire en vallée de la Loire, c’est là : ▶.
[4] Un Centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) déjà composé de 4 réacteurs à eau sous pression (REP), de 900 MWe, toujours en fonctionnement mais filant la quarantaine, et trois anciens réacteurs de la pire espèce.
[5] Site (près de Nantes) de la centrale électrique au charbon (dont la fermeture est une arlésienne) qui devrait être convertie en centrale biomasse, si tant est qu’elle voit jamais le jour.`
[6] Inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne. Soit la faire reconnaître comme une énergie « verte » contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique. Création de l’« Alliance du nucléaire » (initié par la France) regroupant quatorze États différents, membres de l’Union européenne, en faveur du développement du nucléaire en Europe.
Visuel : B. M. Loire Vienne Zéro nucléaire. Photos : Sandra Daveau.