Fin décembre 2023 – France, partout
« The nuclear is back » (le nucléaire est de retour) a pontifié Emmanuel Macron à la 28e Conférence des parties sur le climat de l’ONU (COP 28) qui s’est déroulée du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis. Macron prendrait-il ses désirs pour des réalités ? Car il y a loin de la coupe aux lèvres ! S’il revient, ce n’est que par la toute petite porte et dans son esprit brouillé. La réalité est tout autre et cette fois les médias ont moins relayé cette contre-vérité, l’ont parfois vérifiée et documentée.
Selon le World Nuclear Industry Status Report 2023 (WNISR), dévoilé mercredi 6 décembre à Bruxelles et qui fait autorité même chez les nucléophiles, la baisse du nucléaire est au contraire spectaculaire. Nous avons retenu deux médias qui ont décortiqué et condensé ce copieux rapport annuel. Le média en ligne Reporterre, spécialisé dans l’écologie, et Ouest-France, le quotidien régional de l’Ouest.
L’énergie nucléaire connaît une « baisse spectaculaire »
Chapô de Reporterre, du 6 décembre 2023 : C’est une baisse « absolument spectaculaire ». Selon le rapport sur l’état de l’industrie nucléaire mondiale 2023, l’atome ne pesait plus que 9,2 % dans le mix électrique mondial en 2022, niveau le plus bas depuis 40 ans.
Lire l’article complet de Reporterre : ▶ https://reporterre.net/L-energie-nucleaire-connait-une-baisse-spectaculaire
L’énergie nucléaire continue de décliner dans le monde
Chapô de Ouest-France, du 6 décembre 2023 : Si l’effervescence française donne l’impression contraire, l’industrie nucléaire, grevée par ses retards et ses surcoûts, est en recul de par le monde. C’est la principale conclusion du « World Nuclear Industry Status Report », le seul rapport mondial non-étatique sur le sujet.
Lire l’article complet de Ouest-France : ▶ https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/le-nucleaire-continue-de-decliner-dans-le-monde-3e2ef0f8-9434-11ee-a573-1d8641f728fa
Ne dite pas à la mère de Macron qu’il est le commis de l’industrie nucléaire, elle le croit président
Infatigable VRP de la nucléocratie, le locataire de l’Élysée gaspille beaucoup de son temps et de son énergie à convaincre les autres pays de sa prétendue « solution indispensable pour lutter contre le réchauffement climatique » et à les coaliser pour contractualiser cette chimère. Quitte à s’afférer pour une toquade qu’on sait techniquement obsolète et financièrement non tenable, il devrait plutôt renoncer à son subit retournement en faveur de l’atome et oeuvrer pour de vraies solutions pour le climat, notamment les énergies renouvelables, le captage — hors techno-solutions — du CO2, etc., secteur où la France s’est retrouvée le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir rempli ses objectifs en matière d’énergies renouvelables en 2020 (et pour lesquelles elle a été condamnée) sans véritablement inverser la tendance par la suite.
Taxonomie verte : cyan + yellowcake
Le premier semestre 2022 (mais aussi en amont), la France avait déjà remué ciel et terre pour que « son » nucléaire soit inclus dans la taxonomie verte européenne. Un sésame qui permet de cocher la bonne case pour décrocher des investissements dans les technologies reconnues vertes. C’est ainsi que le 6 juillet 2022, à force de manigances — françaises notamment — dans la coulisse, de tractations douteuses avec des pays « illibéraux » (Pologne, Hongrie…), selon une méthode éprouvée du donnant-donnant, genre : « Je vote pour ton gaz, tu votes pour mon nucléaire » (énergies fossile et fissile toujours exonérées d’embargo contre la Russie), de compromis en compromissions entachant nos valeurs, les eurodéputés du Parlement européen ont fini par accorder le label « vert » au gaz (fossile) et au nucléaire (fissile et tout autant extractif) et leur inscription dans la taxonomie verte européenne [1] (sous quelques complaisantes conditions quand même : une date butoir et un seuil d’émission [2]).
Débrider la filière nucléaire
Fin novembre 2023 (le 21), le Parlement européen s’est prononcé pour des assouplissements réglementaires et des facilités de financement pour les filières « à zéro émission » de gaz à effet de serre. La France et 14 pays affidés circonstanciels (la Suède [qui évolue vers l’abandon du 100 % renouvelable], la Pologne, la Hongrie, les Pays-Bas [plus l’Italie en observatrice et le Royaume en invité]) dans une « Alliance pour le nucléaire » (APN) y ont obtenu l’inclusion du… nucléaire dans le groupe des technologies vertes à soutenir, pour assurer la compétitivité et la souveraineté de l’Europe face à la Chine et aux Etats-Unis. L’affaire n’est pas encore complètement entendue puisque la proposition devra encore être négociée avec les États membres. Cependant, elle est visiblement mal embarquée pour les antinucléaires. Si elle aboutit, ce sera une victoire symbolique et politique pour le nucléopathe Macron et le secteur du nucléaire qu’il soutient [3].
Tripler le nucléaire
La COP de la honte ! Avec un record vertigineux de lobbyistes, VRP des énergies fossiles, des technosolutions… et évidemment du nucléaire. En amont [4], la France (qui serait à l’orgine du texte d’après le cabinet de la ministre Agnès Pannier-Runacher) et les États-Unis n’ont laborieusement réussi à fédérer que 22 des 200 États : le Canada, le Royaume Uni, la Suède, la Corée du Sud, les Émirats Arabes Unis, la Pologne, le Ghana, le Maroc… et même le Japon, qui ont, en chœur, appelé à tripler la capacité de production nucléaire mondiale par rapport à 2020 [5] pour limiter le réchauffement climatique d’ici à 2050. Hélas, la résolution finale, adoptée dans les prolongations, a bel et bien retenu le nucléaire avec les renouvelables (et les moyens de capture et de stockage du carbone) dans les technologies à émissions nulles et à faibles émissions.
De la nécessité de se mobiliser contre le nucléaire !
Les articles de Reporterre et de Ouest-France (proposés à votre lecture, supra), compilation sans complaisance du rapport du World Nuclear Industry Status Report 2023 (non étatique, spécifie justement Ouest-France), déconstruisent totalement la tentative de réhabilitation du nucléaire et ses nouvelles déconvenues climatiques pour le justifier. On veut bien croire que Macron mouille sa chemise chaque jour durant pour ses « sujets ». Hélas, pour des objectifs qui nous mènent droit dans le sarcophage de Tchernobyl ! La France (comme beaucoup des pays initiateurs de cette résolution) n’a plus les capacités techniques et financières en adéquation avec ses ambitions nucléaires démesurées. Les pays les plus émetteurs, incapables de mettre un plan alternatif sérieux de baisse de leurs émissions, arcboutés sur leurs dogmes économiques qu’ils refusent de revisiter, viseraient-ils à faire porter le chapeau de leur échec à ceux qui se sont désolidarisés de leur « solution » nucléariste ?
En 2024, il nous faudra TOUS faire bloc pour dénucléariser les esprits, se rassembler et se mobiliser résolument contre l’atome civil et militaire !
Notes
[1] Générant aussi des mécontents : Allemagne, Luxembourg, Autriche ou encore Finlande…
[2] Les projets de construction de nouvelles centrales nucléaires devront avoir obtenu un permis de construire avant 2045. Un seuil d’émission de 270 g de CO2 par kWh a été retenu pour les centrales à gaz qui obtiendront leur permis de construire avant fin 2030. Puis le plafond tombera à 100 g.
[3] Après avoir soutenu la fermetures de 14 réacteurs quand il était ministre de l’économie sous F. Hollande et désormais leur prolongation pour 12 d’entre-eux plus la relance du nucléaire avec 6 puis 8 réacteurs EPR 2 (fin du 1er et début de 2e mandat) et maintenant la prolifération de SMR. Aussi, en 2014 (alors qu’il « était conseiller de F. Hollande et aussi à la manoeuvre de cette transaction), la vente des turbines Arabelle d’Alstom, à Belfort, à l’Américain General Electric Steam Power en 2015, puis… sont rachat par EDF en 2022). Champion, président ! Bricolage et replâtrage sont les deux mamelles de ton exubérance.
[4] Surprise : les deux premiers constructeurs de réacteurs nucléaires dans le monde aujourd’hui, la Russie et la Chine, ne l’ont par contre pas signé.
[5] Quand 110 pays, eux, ont signé l’appel à tripler les EnR !
Illustration : (Semeuse) non sourcée (mais on en connaît au moins deux versions, l’une parue dans le n° 6 d’octobre 1977, de J.-L. B., parue dan s l’ÉnerguMaine [éphémère journal de contre-information sarthoise de dix-neuf numéros à la fin des années soixante-dix) et une seconde de Laurent Vanhelle en 2015 ; (mégaphone) SdN 72 (J.-L. B.).