Dès le signalement du classement de l’accident survenu à l’entreprise sabolienne Ionisos (spécialisée en irradiation) au niveau 1 de l’échelle INES pour « non-respect du référentiel de sûreté » par l’Autorité de sûreté nucléaire (publié le 2 mai 2024), le Réseau Sortir du nucléaire à réagit. Nous reprenons ci-dessous son article, publié le même jour. Le nôtre est là : ▶.
Sortir du Nucléaire 72
France : Sablé-sur-Sarthe : Double incident dans un irradiateur
Défaillance matérielle, mépris des règles et rejet non-autorisé dans l’environnement
2 mai 2024
Il s’agissait d’eau de mer à irradier dans l’installation de Sablé-sur-Sarthe (Pays de la Loire) exploitée par Ionisos. Mais on ne sait pourquoi, lors de la séance de rayons, le colis s’est ouvert. L’eau s’est déversée un peu partout, y compris dans la piscine d’entreposage de la source radioactive. Une partie de cette eau a ensuite été déversée dans l’environnement sans autorisation.
Les faits survenus dans l’irradiateur industriel (destiné principalement à stériliser des produits et à en permettre la conservation) donnent matière à s’interroger. Non seulement il y a eu une défaillance matérielle puisqu’un colis s’est ouvert en pleine séance d’irradiation, mais l’eau collectée durant l’incident a été rejetée dans l’environnement sans autorisation et l’industriel a tardé à informer les autorités.
Le communiqué de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ne donne que peu de détails sur les faits qui ont conduit à ce double incident. Le 13 février 2024, un colis d’eau de mer est en train d’être irradié lorsque son emballage cède soudainement. Son contenu se déverse alors dans la cellule d’irradiation et dans la piscine située en dessous, où est entreposée la source irradiante lorsqu’elle n’est pas utilisée. L’apport d’eau de mer a modifié les paramètres physico-chimiques de l’eau de la piscine, la rendant plus propice à attaquer et à corroder les parois de la piscine mais aussi les gaines de la source radioactive. Malgré un dépassement des valeurs limites de certains paramètres, l’exploitant ne réagira pas dans les délais impartis, et laissera le contenu de sa piscine en l’état plus de 2 semaines. Qui plus est, l’eau irradiée provenant du colis endommagé s’est déversée dans un puisard, une sorte de réservoir qui récupère les écoulements provenant de la cellule d’irradiation. L’industriel a déversé le contenu de ce réservoir dans le réseau d’eau de la ville sans autorisation. Enfin, Ionisos a attendu 6 semaines pour communiquer les analyses attestant des dépassement des valeurs limites des paramètres physico-chimiques de l’eau de la piscine d’entreposage à l’ASN.
Pourquoi l’emballage du colis a cédé lors de l’irradiation ? Pourquoi l’industriel a mis tant de temps à informer les autorités et à rétablir les conditions d’entreposage de sa source radioactive ? Comment se fait-il que le contenu d’un puisard collectant les débordements d’une celle où des produits sont irradiés ait été déversé à l’extérieur de l’installation nucléaire sans contrôle et sans autorisation ? Si l’ASN précise que le double incident n’a pas eu de conséquences immédiates, les faits survenus dans l’irradiateur pointent de très nombreux dysfonctionnements, allant de l’entretien matériel au respect des règles, en passant par l’organisation interne, l’information des autorités et la protection de l’environnement.
Ce que dit l’ASN :
Ionisos : non-respect du référentiel de sûreté
Publié le 02/05/2024
Installation d’ionisation de Sablé-sur-Sarthe Installation d’ionisation – Ionisos
La société IONISOS, qui exploite un irradiateur sur son site de Sablé-sur-Sarthe (72), a déclaré le 15 février 2024 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif relatif au non-respect du référentiel de sûreté de cette installation, suite à une fuite d’eau de mer issue de la rupture de l’emballage d’un colis client pendant son traitement.
La société IONISOS, pour ses activités d’irradiation, utilise des sources radioactives de haute activité, principalement pour la stérilisation de produits médicaux. Ces sources sont disposées dans deux cadres métalliques, appelés porte-sources. Ceux-ci sont positionnés en position haute, dans la cellule d’irradiation, pour permettre le traitement des produits. Le reste du temps, ils sont placés en position basse en fond de piscine, qui est une position de sûreté, l’eau faisant alors écran aux rayonnements émis par les sources.
Afin de préserver dans le temps l’intégrité de la peau de la piscine et du gainage des sources, qui sont en acier inoxydable, la qualité de l’eau de la piscine est assurée par la circulation permanente de cette eau dans un dispositif de purification visant à prévenir le risque de corrosion. Le référentiel de sûreté de l’installation prévoit à cet égard des valeurs à respecter pour un certain nombre de paramètres, notamment la résistivité de l’eau, et sa concentration en ions chlorures : une résistivité trop faible, ou une concentration trop forte en ions chlorures peuvent en effet provoquer ou accélérer les phénomènes de corrosion.
Le 13 février 2024, alors qu’une palette contenant un colis d’eau de mer était traitée dans la cellule d’irradiation de l’installation IONISOS de Sablé-sur-Sarthe, l’emballage du colis s’est détérioré, entraînant le déversement d’eau de mer dans la cellule d’irradiation et dans la piscine permettant l’entreposage des sources. Ce déversement a conduit à une baisse de résistivité et à une hausse de la concentration en ions chlorure au-delà de la valeur limite fixée par les règles générales d’exploitation, pendant un maximum de 18 jours selon les analyses réalisées par l’exploitant, rendues le 1er mars 2024 et transmises à l’ASN le 12 avril.
Par ailleurs, suite à l’incident, un opérateur a vidangé sans autorisation vers le réseau extérieur l’eau recueillie dans le puisard de la cellule d’irradiation, qui avait atteint un niveau haut suite à cet apport incidentel.
L’incident n’a pas entraîné de conséquences immédiates sur l’installation et n’a pas eu d’impact sur le personnel ni sur l’environnement.
En raison du non-respect du référentiel de sûreté d’une installation nucléaire de base, et d’un rejet non autorisé de cette eau dans l’environnement, l’événement a été classé au niveau 1 de l’échelle internationale de classement des événements nucléaires (INES), qui compte 8 niveaux, de 0 à 7.
https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/ionisos-non-respect-du-referentiel-de-surete
Photo (vignette page d’accueil) : archives SdN 72. Illustration : SdN 72 (J.-L. B.)