Jeudi 5 décembre 2013 — Sarthe
É-mou-vent ! Les premières rotations vécues en direct des trois pales (de 49 mètres) de la première des six éoliennes sarthoises estampillées EoLoué (Fermiers de Loué), sur les communes de Piacé, Juillé et Vivoin, par un vent de 4 m/seconde (froid, le vent). Vers 16 heures, c’était parti pour un test de 240 heures non-stop, sinon ledit test redémarrera à zéro…
Il en sera de même pour les cinq voisines distantes de 400 mètres les unes des autres. Une production qui s’ajoutera en 2014 à la puissance de l’éolien évoqué dans notre encadré ci-dessous, mais on est encore bien en deçà des 23 % de la production escomptée en renouvelable à l’horizon 2020.
Le département était depuis longtemps le dernier du Grand Ouest à n’avoir aucune éolienne sur son territoire. Paradoxalement, on y formait des techniciens de l’éolien (lycées et GRETA)… Des lobbies avait eu la peau du premier projet sur les hauteurs de Voutré. Plusieurs autres projets sont dans les tiroirs (Saint-Longis, Saint-Jean-de-la-Motte, Plateau calaisien, Parigné, etc.) mais certains opposants sont déjà à l’œuvre.
Chacune des six éoliennes belmontaises ont un puissance de 1,8 mW (10,8 mW au total) et l’ensemble produira environ 25 millions de mW/h par an, soit la consommation de 12 000 personnes (hors chauffage). Mais les turbines sont de facture danoise (Vestas Wind Systems), les pales italiennes, les mâts (4 fûts chacune) de Bourgogne (la région de Montebourg spécialisée en chaudronnerie ne fait donc pas que dans le nucléaire), le système d’orientation des pales selon la force du vent de Vendée (Sté Rollix).
Alors que la sagesse populaire recommande de ne pas mettre tous ses œufs dans un même panier, la France a tout investi dans le nucléaire et s’y accroche mordicus malgré tous les signaux d’alerte et la volonté irresponsable de prolonger de 10, 20, voire 30 ans ses centrales déjà vieillissantes ! Elle a donc pris un retard inouï dans le domaine de l’éolien. Longtemps en queue de pelotton en Europe, après le Danemark, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie, sous la contrainte, elle tente de se refaire ces derniers temps.
Alstom expérimente actuellement une éolienne — l’Haliade 150 — d’une capacité de 6 mégawatts sur le site du Carnet (à proximité de Saint-Nazaire) et une seconde en mer du Nord. Un site qui aurait dû accueillir une centrale nucléaire s’il n’avait été abandonné en 1983 après une puissante mobilisation bretonne. Il était lui-même un substitut à un autre projet de centrale nucléaire, pas très loin, au Pellerin, abandonné dans les mêmes circonstances. Pareil pour Plogoff, ce qui fait de la Bretagne une zone exempte de centrale (sauf « la petite » de Brénilis, en démantèlement), mais elle accueille néanmoins… l’Ile Longue. Avec cette technologie, EDF Energies Nouvelles, alliée à Alstom, a remporté l’appel d’offres des quatre-vingts éoliennes offshore du futur parc au large de Guérande.
Alstom ouvre aussi ces jours-ci un centre d’ingénierie à Bouguenais, près de Nantes, dédié aux énergies marines renouvelables (éoliennes posées et flottantes et hydroliennes) qui bénéficiera aussi de la proximité de l’IRT Jules-Verne, spécialisé dans la recherche sur les matériaux, et du futur Technocampus Océan. Deux usines produisant des nacelles et des générateurs doivent également être opérationnelles en 2014 à Montoir, sur les bords de la Loire (trois cents emplois). Les mâts et les pales seront produites à Cherbourg. Le renouvelable crée des emplois. Le choix de cette filière et des autres sources renouvelables trente ans auparavant en aurait créé beaucoup plus que le nucléaire.
Pour en revenir à nos éoliennes belmontaises, l’inauguration du parc aura lieu le samedi 14 décembre, en présence de Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, d’Yves de la Fouchardière, directeur des Fermiers de Loué, et du parrain de ces premières éoliennes sarthoises, Gérard Bollée, descendant de la grande famille Bollée, arrière-petit-fils du concepteur et constructeur d’éoliennes du même nom pendant près d’un siècle (c’est là : ▶).
Les Fermiers de Loué et Quadran sont propriétaires de quatre des six éoliennes (17 millions d’euros), les deux autres à des souscripteurs du Pays Belmontais. Une participation citoyenne de trois cents personnes, à hauteur de 1,2 million d’euros via un dépôt à terme avec le Crédit Agricole, qui pourrait bien être LE secret de l’avalisation de l’éolien par la population (comme en Allemagne ?). Les Fermiers de Loué produiront ici plus d’électricité qu’ils n’en consomment, devenant ainsi la première filière agroalimentaire française à énergie positive. En retour, le conseil général et les trois communes percevront les taxes liées aux réseaux, la cotisation financière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sur la production d’éléctricité.
Le parc éolien français actuel compte 7 971 mW de puissance pour une production de 10,1 tWh. Fin septembre 2013, un peu moins de cinq cents projets d’éolien terrestre sont en file d’attente pour une puissance annoncée de près de 5 500 mW, tandis que les huit projets éoliens offshore, eux aussi en file d’attente, totaliseraient 3 157 mW (source : CGDD [Commissariat général au développement durable]).
Photos : SDN 72.