ITER, chantier titanesque, très coûteux, dangereux et illusoire


1986-2019, 2020 – France, international

Nous publions cet article comme qui dirait en deuxième main ! La revue nationale Sortir du nucléaire du réseau éponyme, pour qui il avait été écrit, l’a déjà publié dans son n° 83, automne 2019 (nous vous recommandons vivement de vous y abonner, c’est ici : ). Son auteur n’est autre qu’un Fléchois — Martial Château — membre du groupe SdN 72 et aussi son coprésident. C’est pourquoi nous nous sentons légitimes de le reproduire ici, à la veille de la parution de son n° 84.

Le site de SdN 72 a évoqué à (au moins) deux reprises la recherche sur la fusion nucléaire, mais en Allemagne. Dans un premier post (le 10/8/15), suite à la nomination d’ambassadeur de la Sarthe de l’ingénieur sarthois Didier Chauvin, chercheur (détaché du CEA, Commissariat à l’énergie atomique) à l’Institut Max-Planck de Greifswald, sur le prototype allemand de fusion nucléaire baptisé Wendelstein 7-X ou Stellarator, c’est là : Puis, dans un second post sur le même projet, sous le titre : « L’Allemagne sort de la fission… mais poursuit des recherches sur la fusion », c’est encore là : .

                                                                                                               Un des administrateurs

ITER, chantier titanesque, très coûteux, dangereux et illusoire

Les négociations internationales pour la construction de cette monumentale machine d’étude de la fusion commencent [1] en 1986 et n’aboutissent qu’en 2006 avec le choix du site d’implantation à Cadarache. Plusieurs pays participent à cette réalisation via un traité : l’UE, les USA, la Russie, le Japon, la Chine, la Corée du Sud, la Suisse et l’Inde.


Cette machine de recherche ne produira pas un seul GWh d’électricité mais elle devrait servir à faire avancer la recherche expérimentale pour éventuellement réaliser, d’ici la fin de ce siècle, un réacteur de fusion capable de produire de l’électricité…

Implanté à Cadarache, en zone à risque sismique, dans les Bouches-du-Rhône, déjà fortement nucléarisé, il occupe 42 ha de forêts, sans compter les espaces impactés par les larges routes d’accès et la ligne à très haute tension (400kV) indispensable à son fonctionnement.

Dangerosité et prolifération nucléaire

Les combustibles qui seront utilisés dans ce projet sont deux isotopes de l’hydrogène, le deutérium, qui ne pose pas de problème, et le tritium radioactif, très difficile à confiner, qui lui n’existe qu’en très faible quantité à l’état naturel et doit être produit dans un réacteur à fission avec production de déchets radioactifs et tous les risques inhérents à ce type de réacteur.

Au cours de la réaction de fusion, l’intense flux neutronique rendra les parois de l’enceinte de confinement radioactives, produisant des dizaines de milliers de tonnes de déchets radioactifs pour au moins cent ans.

La fusion thermonucléaire étant un phénomène instable et non linéaire, avec de forts risques de fuites de tritium radioactif, l’accident majeur ne peut être exclu. Le tritium étant aussi utilisé dans les bombes thermonucléaires, des réacteurs du type ITER pourraient aussi contribuer à la création de nouvelles armes de destruction massive.

Le démarrage d’ITER consommera 40 kg de tritium, soit la quasi-totalité des stocks mondiaux disponibles ! Ce corps radioactif stratégique sera transporté de différents pays vers la France (enfin si ces pays acceptent de se séparer d’un élément indispensable pour fabriquer des bombes thermonucléaires !)

Coût, délais et emplois

Initialement, en 2001, le coût du projet ITER était estimé à 5 milliards d’euros ; en 2019, il dépasse les 20 milliards… qu’en sera-t-il dans cinq ans, vingt ans et au-delà ?

Sur la période 1974-2003, la fusion a déjà accaparé plus de 10 % des fonds de recherche et développement consacrés à l’énergie, aux dépens de la mise en œuvre de la transition énergétique.

La mise en service, prévue initialement en 2014, est régulièrement repoussée, désormais de plus de dix ans ! Et les premiers résultats ne sont pas attendus avant 2035 !

La construction de cette gigantesque machine [2], dont le seul réacteur pèsera 23 000 tonnes (trois fois la Tour Eiffel) et nécessitera un complexe de 440 000 tonnes, mobilise autour de cinq mille personnes. Pour son fonctionnement, il ne restera que mille personnes. Les mêmes sommes dépensées dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie créeraient bien plus d’emplois durables et avec une réduction effective et durable de la pollution et des émissions de CO2 !

Bilans énergétique et carbone désastreux

Initialement, les promoteurs d’ITER annonçaient une puissance électrique consommée de 50 MW pour une production de chaleur de 500 MW (multiplicateur énergétique de 10). Les promoteurs admettent aujourd’hui que ce multiplicateur énergétique ne serait que de 1,6. Pour obtenir 500 MW de chaleur, ITER consommerait 300 MW d’électricité. Tout ceci au grand conditionnel et à partir de 2035 !

Avec une telle machinerie, le transport des pièces depuis plusieurs continents et cette énorme consommation électrique (équivalente à celle d’une ville comme Bordeaux), le bilan CO2 d’ITER est clairement épouvantable.

Solution à la crise climatique ?

Cette machine expérimentale ne produira pas d’électricité mais vise à développer un réacteur de démonstration (régulièrement repoussé, désormais à 2054) avant un hypothétique réacteur de série à partir de 2060 ou 2080.

Il sera donc malheureusement trop tard pour relever le défi de la lutte climatique et les milliards engloutis dans cette machine manqueront cruellement au développement de la transition énergétique. Au final et au contraire du matraquage d’ITER et du lobby nucléaire, la fusion n’est :

● Ni « illimitée » : les ressources de nombreux matériaux indispensables à la construction d’un parc de réacteurs et le stock de tritium sont largement insuffisants ;

● Ni « propre » ni sûr : déchets radioactifs, risques de prolifération, danger de fuite de tritium et bilan CO2 exécrable. Cette expérience scientifique, la plus onéreuse de tous les temps et sans contrôle indépendant, est en outre à contre-courant complet de la transition énergétique (maîtrise et anticipation de la demande, décentralisation sans besoin permanent de génération en base) et de l’urgence climatique. De plus, elle a été critiquée par de nombreux scientifiques dont deux Prix Nobel de Physique, Pierre-Gilles de Gennes (1991) et Masatoshi Koshiba (2002), et même par un ancien haut commissaire à l’énergie atomique du CEA, Robert Dautray.

                                                                                                                                                    Martial Château


[1] ITER se traduit en français par : réacteur expérimental international à fusion thermonucléaire.

[2] Plus d’infos sur le site d’ITER, ici : .


Illustration : Icare, représenté par le peintre Carlo Saraceni (1576-1620), légèrement remanié par SdN 72. Pour agrandir l’iconographie et l’encadré, cliquer dessus.