« Mox 1380 », danse avec les neutrons


Mercredi 10 et jeudi 11 décembre 2014 — Le Mans, espace EVE (Fac)

 

Mox 1380 (combustible nucléaire)

mox1380-1-C’était une nouvelle occasion de voir ou de revoir ce spectacle de danse proposé par la Compagnie Pascoli, dans une chorégraphie d’Anne-Marie Pascoli, interprétée par Akiko Kajihara, de retour sur scène après une longue blessure (1), accompagnée par le percussionniste et arrangeur Alain Lafuente.

Abstract (emprunté au programme) ! « Un personnage en fil de soie est au coeur de ce témoignage. Son kimono déposé sur le sol, pièce par pièce, raconte l’inexorable infligé à la culture japonaise par les désastres nucléaires, l’extrême fragilité du vivant et du monde dont il faut sans tarder, apprendre à prendre soin ».

La chorégraphie est évidemment inspirée des fâcheux événements nucléaires du Japon qui ont, là plus qu’ailleurs, jalonné, voire façonné son histoire contemporaine (Hiroshima, Nagasaki, Fukushima). Le mox était aussi le combustible du réacteur n° 3 de la centrale nucléaire de Fukushima, fourni par la France. Ce combustible au plutonium (7 à 10 %, plus de l’uranium appauvri) a largement compliqué la gestion post-accident, voire aggravé la catastrophe elle-même. C’est aussi le combustible de 10 des 14 réacteurs les plus proches de notre département encore en fonctionnement (Chinon, Saint-Laurent-Nouan, dont le plus loin, Dampierre, à 176 km du centre du Mans à vol d’oiseau), c’est là : . Cette improbable approche par la danse qu’on attendait pas sur un thème aussi récurant a réussi à intéresser un public essentiellement  jeune, d’étudiants bien sûr (ce qui n’est pas toujours le cas des spectacles proposés à EVE). Il était plaisant d’entendre rembobiner « ce fil de soie » et sa sous-jacente « trame » nucléaire dans les travées de fauteuils et dans le hall d’entrée, à l’issue de cette performance, ce qui ne va pas de soi, reconnaissons le, s’ils n’avaient pas consulté le programme auparavant (cf. plus haut).

Le soleil est une formidable machine nucléaire dont il convient d’apprécier les bienfaits et capacités à distance. A vouloir le copier, l’homme s’y est plusieurs fois brûlé les ailes et persiste malgré tout avec le projet ITER (2) de Cadarache ! Il nous appartient de tout faire pour que l’image symbole du Soleil levant du drapeau japonais ne soit pas l’aube d’un long crépuscule pour tous.

SDN 72 n’était (hélas) pour rien dans la venue de ce spectacle, même s’il en a fait la promotion en interne et que certains de ses militants et sympathisants s’y sont déplacés. Merci à cette compagnie de son approche artistique du sujet nucléaire qui interroge de nouveaux publics et déroge à l’entre-soi militant.


Vous trouverez plus de détails sur le premier spectacle ici : .


(1) Ce spectacle était déjà passé au Mans, au studio de danse Marie-Lenfant, trois jours durant, les 20, 21 et 22 mars 2013. Il avait été reprogrammé à l’espace EVE de la Fac les 19 et 20 février 2014, mais une blessure de la performeuse en avait annulé le passage.

(2) Pour : International thermonuclear experimental reactor (réacteur thermonucléaire expérimental international). C’est un projet de trente-cinq pays visant à passer de la fission nucléaire à la fusion (voisine du soleil, par un confinement magnétique type Tokamak). Comme à Flamanville, le budget a d’ores et déjà explosé. Multiplié par plus de trois ! Passant de 5 à 17 milliards d’euros, et ce n’est probablement pas fini…


Photo : de la Compagnie Pascoli, avec l’aimable autorisation d’Anne-Marie Pascoli.