Dimanche 15 mars 2015 — sur France 5
Documentaire réalisé par Aude Rouaux (51 mn) diffusé sur France 5 (dans L’enquête des Docs du Dimanche, une production Capa France Télévisions).
A voir ou à revoir ici : ▶.
Enfin, un documentaire (sans doute le premier) sur l’irradiation des aliments. Pardon ! leur ionisation. Autre terme, bien « léché », pour nous faire avaler l’indiscernable traitement sous-jacent. C’est France 5 qui s’y est collée ! Or, une de ces infrastructures nucléaires est installée à notre porte, à Sablé-sur-Sarthe, dans l’indifférence (1) quasi générale.
Certes, ce n’est pas l’égrotante centrale d’Avoine-Chinon. Non ! Elle est beaucoup moins connue et infiniment moins redoutable, reconnaissons-le, que ne pourrait l’être une « excursion » nucléaire de cette dernière, m’enfin, les dangers accidentels existent bel et bien et les risques alimentaires et sanitaires aussi !
D’entrée de reportage, la messe est dite ! Les entreprises françaises (2) « n’ont pas accepté de nous recevoir ». Idem, plus loin, pour le ministre de tutelle de l’agriculture S. Le Foll (3). Transparence, quand tu nous tiens ! Dès lors, le reportage est dépaysé, Australie, Etats-Unis… où cette pratique est largement répandue. La séquence, dans une entreprise du Mississipi, nous explique mieux que M. Chevalet (anciennement sur TF1) « comment ça marche ! ».
On n’imagine pas la diversité et la quantité des aliments irradiés dans le pays même si elle ne représente « que » 3 % de notre consommation (4). Pinuts ! si on compare aux Etats-Unis, où 100 millions de tonnes sont irradiées par an, soit 300 kilos par habitant et par an (ça paraît énorme ! à vérifier). Officiellement, l’ionisation-irradiation profiterait aux consommateurs en les écartant de graves risques sanitaires, en tuant les bactéries (bonnes et mauvaises, en les soumettant à des rayons gammas), mais le turpide objectif est tout autre. En favorisant leur conservation, elle conforte d’abord les échanges commerciaux, facilitant stockage, exportation, importation, distribution et longévité à la vente.
Mais, n’aurait-elle pas aussi des effets secondaires sur notre santé ? En 2009, l’Australie a vu une vague inhabituelle de chats morts ou paralysés du train arrière qui avaient comme dénominateur commun une alimentation de produits Orijen (croquettes haut de gamme, bio (?), importées du Canada) surirradiés à leur arrivée en Australie par Stéritech (tout confondu, 3 000 t de produits irradiés par an).
Cette technique, expérimentée par l’armée américaine pour proroger la conservation des rations de son contingent lors de la guerre de Corée (1950-1953), validé pour l’alimentation des cosmonautes et qui s’inviterait volontiers plus massivement dans nos assiettes, n’a, paradoxalement, pas généré d’études sanitaires approfondies sur son innocuité.
Retour en France ! Si, dès 1967, un laboratoire français démontre une perte de vitamines, seul, en un demi-siècle, le chercheur Eric Marchioni, de la faculté de pharmacie de Strasbourg, découvrira en 2002 une molécule qui n’existe que dans les aliments irradiés : l’alkylcyclobutanone. Une première expérimentation sur un nombre limité de rats démontrera qu’en soi, elle ne serait pas cancérigène, mais procancérigène (qui se surajoute). Hélas, le chercheur n’obtiendra aucun budget pour mener une étude scientifique large et indiscutable. Saisie par les réalisateurs de l’émission, l’eurodéputé EÉ-LV Michèle Rivasi, aussi connue pour être créatrice de la Criirad (5) au lendemain de Tchernobyl, tentera d’accompagner cette recherche de financement.
En France, le consommateur, celui qu’il ne faut surtout pas inquiéter, est « préservé » par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) mais l’organisme manque de moyens (au mieux, une inspection par an et par département), de formation (étiquetage gauchi, ignorance du logo propre à l’irradiation, mais pas seulement), d’expertise et… d’indépendance. Les constats d’infractions eux-mêmes sont limités : le laboratoire de chimie analytique de Strasbourg Aérial Ilkish pourra constater l’irradiation mais pas l’intensité et encore moins la surirradiation.
Si le reportage nous laisse un peu sur notre « faim » concernant les aspects scientifiques et les conséquences sanitaires, avérées ou non, l’opacité de l’industrie agroalimentaire, elle, est manifeste et semble bien n’être qu’à son service. La grand-mère de Martine Aubry disait : « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! » Pas mieux !
Bon appétit !
(1) Nous avons préféré indifférence (supra) à ignorance. Les Saboliens n’ignorent pas cette entreprise et la noria logistique qui gravite autour d’un établissement flanqué de prestigieuses industries agroalimentaires au voisinage. Ici comme ailleurs, on ne mort pas la main qui vous nourrit ! Au-delà, il n’y aura que les plus attentifs qui auront perçu les bruissements d’un tumulte, organisé par un collectif d’associations, dont SDN 72, autour du site de Ionisos Sablé, le 5 mars 2005, et les quelques articles de presse qui ont traité de la manifestation et, résiduellement, de la « nature » des prestations de l’établissement. C’est là : ▶. Les autres en ignorent probablement tout !
(2) Cinq en France, Gammaster Isotron à Marseille et quatre entreprises Ionisos, dont le site de Sablé-sur-Sarthe. Mais Ionisos, c’est aussi Stérylène à Gien (45), Ionisos en Espagne à Tarancón Cuenca et Ionisos China, en Chine évidemment (on voit le site internet commun aux sept entreprises du groupe dans le reportage, sur la toile, le site est là : ▶). Concurrent majeur en Europe, la Belgique, n° 1 mondial du secteur.
(3) Accessoirement député de la 4e circonscription (remplacé par Sylvie Tolmont) qui peut siéger à la CLI Ionisos de Sablé-sur-Sarthe (excusée à la réunion du 29 octobre 2014, ▶).
(4) Nuggets, crevettes, épices et aromates, légumes, fraises, fruits secs, aulx, oignons et échalotes, viande de volailles et dérivés, légumes déshydratés, flocons et germes de céréales, farines, camemberts au lait cru, grenouilles, parfums… huîtres et steaks, aux E-U. Il revient à chaque pays où elle est pratiquée d’en fixer la liste.
(5) La Criirad, Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité, a été créée en mai 1986 par Michèle Rivasi à la suite de l’accident de Tchernobyl (26 avril 1986). Totalement indépendante, elle fonctionne en association loi 1901, domiciliée à Valence, dans la Drôme. Elle comprend environ 6 500 adhérents et emploie une douzaine de salariés. Michèle Rivasi est actuellement députée européenne EÉ-LV (depuis juin 2009 ; réélue en mai 2014). Elle a aussi été députée de la Drôme de 1997 à 2002, et pas seulement.
Photo : capture d’écran sur le site de France 5.