Le nucléaire en quelques chiffres :


31 décembre 2022 – France

Après avoir parlé du projet de construction de six réacteurs de type EPR2, Emmanuel Macron, au Creusot et à Belfort, a annoncé 1 milliard pour concevoir et fabriquer des « petits réacteurs nucléaires » SMR, à l’horizon de 2035.

Le réacteur EPR de Flamanville n’a toujours pas obtenu de l’ASN l’autorisation définitive de mise en service et les dernières difficultés dans le traitement thermique de 150 soudures repoussent au mieux à 2024 son démarrage, probablement à 50 % de sa puissance maximum. En effet, le couvercle présente des anomalies, mais le temps presse pour la mise en service. C’est une vitrine technologique. Son changement nécessitera une modification de génie civil. ce couvercle pèse 300 tonnes, et pour intervenir, il sera nécessaire de détruire une partie de son enceinte… Tout cela avant la fin de 2024. Pour couronner le tout, la cuve sera sous surveillance avec des contrôles rapprochés. Une épée de Damoclès est suspendue, si celle-ci ne tient pas le choc, il faudra se résoudre a fermer définitivement ce réacteur…

Pour rappel, le coût initial était de 3,3 milliards d’euros pour une mise en service en 2012. À ce jour, le montant de ce joujou est de 13,2 milliards d’euros. Un surcoût de 10 milliards au bas mot… La Cour des comptes estimait en 2020 que des coûts complémentaires d’un montant de 6,7 milliards seraient à ajouter.

Maintenant, nous assistons à une grosse campagne médiatique sur ce sujet ultra-sensible.

Quel est le bilan carbone ?

Je lis toujours avec un œil avisé les encarts publicitaires de notre opérateur historique et ceux d’Orano. Tout semble merveilleux dans le monde d’EDF : « L’électricité d’EDF est à 97 % sans émission de CO2, et ça, c’est mieux pour le climat ! » Le plus important du slogan figure en très petits caractères : «Emissions directes, hors analyses du cycle de vie, des moyens de productions et des combustibles. Chiffres 2020. » Ce chiffre de 97 % ne prend en compte que les émissions constatées pendant le fonctionnement des réacteurs.  Pour le reste, il est important de se renseigner. Et là, le théoriquement décarboné est bousculé sévèrement : si tout est pris en compte, de la mine aux déchets, le changement de décor est alors bouleversant. Pour nos 56 réacteurs, il faut annuellement environ 8 000 tonnes d’uranium naturel (13 à 14 % de la production mondiale). Après de multiples transformations chimiques, cela donne 1 030 tonnes de combustible prêt à l’emploi, soit notre consommation annuelle pour nos 56 réacteurs. Rappel : pour extraire un kilogramme de ce minerai, il faut remuer une tonne de terre.

En 2021, nos achats russes étaient de 110 tonnes (coût : 92 M€). En 2022, nos achats ont augmenté pour atteindre 290 tonnes (345 M€). La Russie en 2022, a fourni un tiers de notre besoin, alors qu’une résolution du Parlement européen invitait les États membres à mettre fin a toute collaboration avec la Russie pour l’énergie nucléaire… Pourtant, EDF continue ses courses en Russie par souci d’économies. Rosatom est le leader mondial de cette transformation grâce à ses méga-centrifugeuses héritées de l’URSS.

EDF achète au Kazakhstan (membre de la CEI) 43 % de l’uranium naturel avant expédition en Russie pour y être enrichi. Pour le retraitement des déchets, la Russie possède l’unité la plus puissante au monde apte a retraiter l’uranium ayant servi dans les réacteurs. « Une effroyable poubelle nucléaire », dixit GreenPeace.

Entre 2000 et 2012, AREVA et ORANO  ont expédié 4 804 tonnes d’uranium usagé et récupéré au retour 650 tonnes d’uranium retraité et enrichi. Nos capacités d’enrichissement dans nos deux sites (Malvesi et Pierrelate) représente  40 % des besoins de nos centrales tricolores.

On parle souvent les anti-éoliennes qui sont contre l’utilisation du vent et de l’atteinte au paysage et au patrimoine, mais que proposent-ils en contrepartie ? Les socles de ces machines sont en béton… Chaque nouveau réacteur EPR2 nécessiterait, lui, 400 000 tonnes de béton armé.

Quant à la gestion des déchets ultimes et des plus dangereux — qui seront peut-être un jour enfouis dans la poubelle de Bure (projet CIGEO) —, ils resteront dangereux pendant plus de  100 000 ans. Les géologues ne se prononcent, sur l’étanchéité du sous-sol, que pour une durée de 1 000 ans

Quel est le bilan climatique ?

 Un réacteur en service nécessite un circuit de refroidissement en eau. Les pompes d’alimentation ont un débit pouvant aller jusqu’à 50 m3/s  pour assurer un bon fonctionnement. L’été caniculaire de 2022 a failli mettre à l’arrêt les quelques réacteurs en capacité de fonctionner. Des décrets préfectoraux ont permis de relâcher de l’eau plus chaude que la norme et chargée de matières chimiques portant atteinte à la biodiversité, comme la Loire, sans trop se soucier des captages servant à alimenter les unités de production d’eau potable des villes situées en aval des centrales.

Quel est le bilan social ?

L’opérateur historique est passé du « faire au faire faire » pour la maintenance. La santé de ces travailleurs n’est pas prise en compte à la même hauteur que les agents d’EDF. Un arrêt réglementaire d’un réacteur induit un manque à gagner de 1 million d’euros par jour. Sans parler des allées et venues des salariés en charge de l’entretien qui se déplacent de site en site.

Cette énergie n’a pas un avenir avec la réalité du dérèglement climatique.

                                                                                                                                           Thierry Touche, SDN72.