28 mars 1979 – Three Mile Island (E.U.)
Nous n’avons jamais traité, ici, de l’accident nucléaire à Three Mile Island (cf. encadré) en Pennsylvanie (E.-U.). Il y a 44 ans bientôt, un défaut de conception va générer divers dysfonctionnements d’exploitation, altérer et retarder son identification, jusqu’à l’avarie lourde. Le cœur du réacteur fondra partiellement sans que — miraculeusement — le corium ne transperce la cuve du réacteur. Néanmoins, des relâchement de gaz radioactifs dans l’environnement extérieur vont entrainer un début d’évacuation (enfants d’âge préscolaire et femmes enceintes) et aussi provoquer une fuite (peur panique) conséquente de la population. L’accident sera classé au niveau 5 de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES) qui compte 7 niveaux. Cet accident est largement documenté et commenté sur le site du Réseau Sortir du nucléaire, ici : ▶ (l’article propose aussi d’autres liens).
Dans l’article — contextualisé — ci-dessous, un ex-salarié du nucléaire — militant de SdN 72 — aborde, sous un angle singulier, un point clé de la sûreté nucléaire inspiré de l’événement passé de Three Mile Island.
Un élément d’histoire… où l’on nous dit qu’un Tchernobyl en France est fortement peu probable
Un article intitulé « La sûreté des centrales électronucléaires » a été rédigé en 1987 par Pierre Tanguy, inspecteur général d’EDF pour la revue « ÉTUDES » [1]. C’était un an après l’accident de Tchernobyl.
Sa lecture est assez édifiante. Il y démontre qu’un accident tel que celui de Tchernobyl est très peu probable en France. Il ne dit pas que l’accident est impossible car il s’adresse quand même à des intellectuels qui savent très bien que le risque zéro n’existe pas !
En cas d’accident majeur sur une centrale française, « La barrière de confinement » (l’enceinte de béton des centrales) « limitera les rejets radioactifs dans l’environnement à un niveau très inférieur à Tchernobyl, de l’ordre du centième. Il ne sera sans doute pas nécessaire de procéder à des évacuation de population… » est-il écrit.
Propos propres à rassurer les intellectuels lecteurs habituels de ce type de publication.
Cela me fait penser à la ligne Maginot, barrière de défense construite par l’armée française afin de protéger notre pays d’une invasion allemande. Qu’à cela ne tienne, l’armée allemande l’a simplement contournée en passant par la Belgique, soi-disant infranchissable puisque neutre.
Puis c’est l’accident de Fukushima en 2011. La vague du tsunami a « attaqué » le bâtiment réacteur qui n’a pu confiner la radioactivité, mais il a aussi contourné (comme les Allemands en 1939) la barrière du bâtiment réacteur en détruisant celui des combustibles usés ; bâtiment non protégé et contenant plus de radioactivité que l’enceinte du réacteur.
Les propos rassurants de Pierre Tanguy en 1987 sont complètement balayés.
Les bâtiments des combustibles usés des centrales françaises n’ont pas non plus d’enceinte de confinement d’où l’alarme lancée par Greenpeace [2].
Parenthèse de socio-technique
Pour étayer le faible risque des centrales françaises, ce numéro de « ÉTUDES », évoque, entre autres, l’accident de Three Mile Island en 1979 aux Etats-Unis. Il est intéressant de constater que l’auteur attribue la responsabilité de l’aggravation de l’accident essentiellement aux « opérateurs eux-mêmes, à partir du moment où ils ne comprenaient pas les phénomènes qui se passaient dans leur installation ».
Ce qu’il ne dit pas, c’est que si les opérateurs n’ont pas tout compris de ce qui était en train de se passer, c’est en partie parce qu’une erreur majeure de conception entachait le fonctionnement d’une vanne.
En effet, dans la conduite de l’accident, les opérateurs ont été amenés à fermer la vanne de décharge du pressuriseur afin de faire remonter la pression devenue dangereusement trop basse. Un opérateur a donc manoeuvré le bouton actionnant la fermeture de la vanne et le voyant « vanne fermée » s’est allumé. Or, la pression a poursuivi sa baisse. Les opérateurs et les experts ont phosphoré pendant plusieurs heures avant de comprendre que, malgré la manoeuvre du bouton de commande de fermeture, la vanne ne s’était pas fermée. La confusion venait du fait que le voyant « vanne fermée » était attaché au bouton de commande et non pas à la vanne elle-même [3].
Ce fut la raison principale aggravant considérablement l’accident.
De la même façon, dans la communication humaine, l’énoncé d’un ordre par un individu A ne suffit pas à ce que l’individu B le reçoive correctement. Pour en être un peu plus sûr, il est nécessaire que B fasse une réponse à A.
Ainsi l’étude psychosociologique dans le fonctionnement de l’humain peut être une aide pour la conception de matériels complexes.
La mise en évidence de cette erreur de conception a conduit aussitôt à sa correction dans les centrales françaises. La modification technique a été donc menée dans toutes les centrales de l’époque.
Laurent Froidevaux
[1] « ÉTUDES » une revue mensuelle fondée en 1856 par des jésuites.
[2] 10 octobre 2017. Les centrales nucléaires qui nous entourent sont une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Un nouveau rapport d’experts indépendants, remis aux autorités aujourd’hui, met en cause la sécurité des installations nucléaires françaises et belges en pointant du doigt leur vulnérabilité face aux risques d’attaques extérieures. Ces experts sont particulièrement inquiets concernant certaines installations des centrales françaises : les piscines d’entreposage des combustibles nucléaires usés. Alors qu’elles peuvent contenir le volume de matière radioactive le plus important au sein des centrales, ces piscines sont très mal protégées. Greenpeace
[3] Les opérateurs, regardant l’indicateur de position de la vanne de décharge du pressuriseur, ont vu « vanne fermée » : cette information était fausse, et c’est là le point crucial de l’accident. En effet, l’indicateur retransmettait en salle de commande l’ordre reçu par la vanne et non sa position réelle. Ceci constituera un des enseignements essentiels de l’accident (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire).
Illustrations, dessins de presse, Tchernobyl : Emanuele Del Rosso (No Spring for Chernobyl 26/4/2016) son site est ici : ▶ et/ou là : https://delrossocartoons.com ; centre de pilotage d’un réacteur, de P. Chappatte publié avec son aimable autorisation, nous l’en remercions, © Chappatte dans [Journal], voir son site, c’est ici : ▶ et/ou là : www.chappatte.com.