Mardi 11 mars 2025 — Partout, monde
Aujourd’hui est le 14e « anniversaire » de la triple catastrophe de Fukushima (un séisme, suivi d’un tsunami et de l’explosion de 3 réacteurs nucléaires [et la « surchauffe » du 4e]) survenue le 11 mars 2011 ! Cette année, SdN 72 n’a pas rappelé publiquement cet événement tragique. Cependant, nous rappellerons la catastrophe survenue il y a 39 ans, à Tchernobyl, le 26 avril 1986, que des fous furieux instrumentalisent encore aujourd’hui (occupation en 2022 [le 24 février], drone fracassé sur l’arche « sarcophage » en 2025 [nuit du 13-14 février 2025]).
Tout le mois d’avril, nous proposerons une exposition de dessins d’Enfants de Tchernobyl Belarus à la librairie Thuard en partenariat avec elle.
Nous y recevrons également le scientifique Yves Lenoir [1] ex-président de l’association Enfants de Tchernobyl Belarus pour un état des lieux, sanitaire et plus (nous y reviendrons, ici) le samedi 26 avril, à 17 h, dans cette même librairie.
SdN 72 sera également présent, tout l’après midi du 26 durant, sur la place de la République du Mans (jusque’à la conférence), pour des échanges autour d’une exposition de quelques-uns de ces enfants et d’une distribution de flyer.
Le texte, que nous reprenons ci-dessous, est de Kolin Kobayashi. Kolin, est un journaliste indépendant japonais, résidant en France depuis 1970. Il s’est aussi rapproché géographiquement de nous puisqu’il réside désormais dans les Pays de la Loire, en presqu’île Guérandaise.
Nous sommes toujours sous état d’urgence nucléaire, à Fukushima, quatorze ans après la catastrophe.
Par Kolin Kobayashi
Quatorze ans après, nous sommes toujours en état d’urgence nucléaire. Actuellement, environ 22 000 anciens habitants de Fukushima sont toujours considérés comme des réfugiés du département de Fukushima. Jusqu’à présent, il y a peu de chances qu’ils y reviennent.
Du site de Fukushima Daiichi, la situation des bâtiments des réacteurs est considérée comme stable, mais environ 20 000 Bq/heure de radioactivité s’échappent toujours. Cela signifie qu’il n’y a pas de confinement parfait de la radioactivité sur le site. La vidange des piscines stockant des combustibles dans les réacteurs 1 et 2 n’est pas terminée. Dans ces conditions, l’état d’urgence ne peut pas être levé.
Le programme de démantèlement a également peu progressé. On a fait beaucoup de bruit pour un minuscule morceau (5 mm de largeur, 0,7 g) de corium récupéré par un robot, par rapport l’ensemble, 880 tonnes de corium, mais il faudra encore énormément de temps pour extrair et retirer la plus grande partie du corium. Serait-il possible ?
Concernant le déversement des eaux contaminées, traité par les systèmes de dépollution, à partir du 1er août 2023, les autorités ont autorisé TEPCO à le faire, jusqu’en janvier 2025. Dix rejets ont eu lieu et environ 78,285 m3 ont été rejetés.
Aujourd’hui, les autorités et le gouvernement essaient de convaincre la population de revenir dans les zones contaminées, mais seulement environ 10 % de la population initiale est revenue. Peu de gens sont revenus et proposer des subventions pour faire revenir les habitants est criminel.
En ce qui concerne les dommages causés par l’exposition aux radiations, 391 enfants sont atteints d’un cancer de la thyroïde confirmé ou suspecté, dont 10 % ont rechuté. Les autorités refusent de reconnaître que ce cancer est lié à l’accident de Fukushima. Le cancer de la thyroïde est rare chez les enfants, avec 1 à 2 cas par million, ce qui est tout à fait extraordinaire.
Malgré l’existence de nombreux autres problèmes de santé, le système est conçu comme si le cancer de la thyroïde était le seul à avoir de l’importance.
Parallèlement, il convient de souligner qu’un plan appelé Innovation Coast Initiative a été lancé en 2014 et qu’après diverses mesures législatives, la promotion d’initiatives dans six domaines a été officiellement reconnue et lancée dans le plan de reconstruction et de revitalisation de Fukushima à partir d’avril 2021. Comme l’a exalté la journaliste canadienne Naomi Klein dans son livre The Shock Doctrine paru en 2007, le fait même que le gouvernement, ou certaines entreprises et industries, aient profité de la catastrophe pour élaborer leurs propres plans de reconstruction dans les endroits où elle s’est produite (en particulier là où la contamination par les radiations était forte), en ignorant la culture traditionnelle de ces régions, cela montre clairement que le plan de reconstruction et de revitalisation de Fukushima n’est pas seulement un « plan de redressement », mais aussi un « plan de relance ». C’est exactement ce qui se passe à Fukushima. Les autorités déclarent : « Nous promouvons des projets dans des domaines prioritaires tels que le démantèlement, les robots et les drones, l’énergie (notamment la production d’hydrogène), l’environnement et le recyclage, l’agriculture, la sylviculture et la pêche, les soins médicaux et l’aérospatiale, et nous prenons des mesures pour réaliser des pôles industriels, développer l’éducation et le développement des ressources humaines, augmenter le nombre de personnes interagissant avec la région et diffuser l’information. »
Le lobby nucléaire, qui tente de faire oublier les dégâts et d’effacer le problème de l’exposition aux radiations, ainsi que l’appel à la reconstruction, correspondent à l’esprit de l’actuel gouvernement japonais, qui tente de promouvoir l’énergie nucléaire.
Jacques Lochard, qui a dirigé le projet Ethos en Biélorussie de 1996 à 2001, a pris sa retraite, mais continue d’enseigner la gestion des risques en tant que professeur invité à l’université de Nagasaki et à l’université d’Hiroshima au Japon. Il soutient également Fukushima Dialogue, une association à but non lucratif créée par Ryoko Ando, qui travaille avec Lochard sur le projet Ethos à Fukushima depuis 2012. Récemment, le Disaster Legacy Museum à Futaba a été créé en 2020 dans le cadre de l’Innovation Coast Initiative, un projet basé sur le concept du lobby nucléaire et dont le directeur est M. Noboru Takamura, professeur à l’université de Nagasaki et bras droit de Shunichi Yamashita. Certaines pièces de ce musée ont été apportées au Pavillon des sciences de Montbéliard pour créer une exposition sur Fukushima qui dure jusqu’au 25 août, dont Lochard est aujourd’hui le président. C’est un outil qui montre que l’accident de Fukushima a été terrible, mais que les effets des radiations n’étaient pas si graves que ce qu’on croyait… C’est une stratégie d’ignorance du lobby nucléaire par la méthode pseudo-scientifique qu’il réussit parfaitement.
Note
[1] Nous avions déjà reçu Yves Lenoir à la librairie Thuard en mai 2017 (le 17) pour son livre « La comédie atomique », c’est là : ▶. Il était peu de temps après à Ségrie, le 16 juin 2017, sous la yourte des brasseurs de bière « Née Buleuse », à l’invitation d’ATN (asso alençonnais, amie) avec deux courts documentaires : sur « Vassily Nesterenko », et « Belrad 2015. »
Il est aussi co-réalisateur du film documentaire « Tchernobyl, le monde d’après » proposé à deux reprises en Sarthe avec des associations partenaires (ou pas) : le 20 novembre 2018 à Mamers, c’est là : https://www.sdn72.org/2018/11/22/t/, la dernière fois, le 13 mai 2024 à La Flèche, c’est là : ▶.
Il est aussi co auteur — avec l’ex sarthoise Hélène Crié — du livre roman « Tchernobyl sur Seine », éd Calman-Lévy.
Illustration : capture d’écran de l’accident.