Deux turbines hydroélectriques à l’usine d’Antoigné, à Sainte-Jamme


Été, automne, hiver 2018 – Sainte-Jamme-sur-Sarthe

Fermes solaires, parcs éoliens, hydroélectricité, méthanisation, tout doucement (trop !) la Sarthe commence à produire et diversifier ses sources énergétiques tandis qu’en parallèle sont menés de-ci de-là, chez les particuliers, par des collectivités, ou dans les entreprises, des programmes de sobriété énergétique (isolation, choix des équipements…) ou d’efficacité énergétique (remplacement de chaudières, réseaux de chaleur [1] [Le Mans, Alençon, Le Grand-Lucé…], cogénération…).

Fin de cette année ou début 2019, l’ancienne centrale hydroélectrique de l’usine d’Antoigné (Chappée SGF) de Sainte-Jamme-sur-Sarthe (arrêtée en 1984) va être remise en exploitation et triplera ses anciennes capacités tout en participant de cette nouvelle diversité.

Du turbin autour de deux turbines

Du milieu de cette passerelle d’Antoigné, à l’entrée très végétalisée en cette période (cf. photo de gauche), entre Sainte-Jamme et Montbizot [2], tout le semestre à venir, vous pourrez observer une forte effervescence autour du barrage d’Antoigné et la rive droite de la Sarthe. En ce début juillet, des travaux de génie civil y sont activement menés pour aménager deux batardeaux temporaires pour un travail sécurisé et hors d’eau au sein de la centrale en rénovation et permettre de reconfigurer l’ancien ouvrage aux exigences techniques des deux nouvelles turbines qui vont y être réimplantées, tout en améliorant la continuité écologique. Soit : le reprofilage du canal de fuite, l’implantation d’une seconde passe à poissons de onze niveaux (en rive droite du déversoir pour la montaison et la dévalaison de la faune piscicole et la préservation de la ressource halieutique) et l’adaptation des chambres d’eau aux nouveaux équipements. Viendront ensuite les nouvelles turbines, la ou les génératrices, l’équipement électronique et informatique.

Un peu d’histoire

Ici, le « droit d’eau » de cette installation dite au fil de l’eau remonte d’avant la révolution de 1789. Il est donc réputé « fondé en titre » et malgré la cessation d’activité de la Société Générale de Fonderie en 1984 [3], la force motrice du cours d’eau restait susceptible d’être utilisée et le principe de l’autorisation d’installation pour la production d’énergie hydraulique pérenne. Nonobstant, la réglementation a quelque peu évolué depuis 1789. L’augmentation bien au delà de 20 % de la puissance maximale brute existante notamment, impose de soumettre la nouvelle installation à une enquête d’utilité publique. Cette consultation s’est déroulée ici (sur Sainte-Jamme et Montbizot) du 29 septembre au 30 octobre 2015 inclus [4].

La « fonderie» contre le réchauffement climatique

Parallèlement aux travaux en extérieur, l’une des deux anciennes turbines Francis de 147 kW, obsolètes, a déjà été extraite de sa chambre. La seconde le sera prochainement. Lors du développement du projet, le porteur de projet, Hydro Antoigné, représentée par JP Énergie Environnement (filiale du groupe Nass), leur a préféré deux turbines Kaplan à axes verticaux. Avec elles, la nouvelle installation sera portée à la puissance maximale brute de 474 kW PMB (pour l’ensemble des deux groupes de production) par augmentation du débit maximal turbiné de 21 m³/s.

Aucune modification n’est apportée aux seuils déversoirs (de 2,30 m ici) et aux ouvrages de vidange existants. Seule, l’inclinaison du dégrilleur (qui retient les débris et corps étrangers de toute espèce dans les turbines, dits embâcles pour les plus importants) sera revue et ses entrefers (limitant le calibre de passage des poissons) réduits…

À sa remise en service en fin d’année ou début 2019, la puissance maximale brute de la centrale hydroélectrique de l’ancienne forge d’Antoigné (pour mémoire, de 147 kW) sera donc multipliée par plus de trois, la classant dans le seuil haut des micro-centrales hydroélectriques [5] ! Sa production annuelle estimée est de plus ou moins 1 000 MWh/an, l’équivalent de la consommation de 330 foyers (hors chauffage et eau chaude) selon le pétitionnaire (sans doute estimée ici à partir de la puissance normale disponible). Une production loin d’être négligeable, diversifiée, sans aucune émission de CO² en fonctionnement, renouvelable et décentralisée, que nous devrons d’abord à l’opiniâtreté du couple bailleur, Joëlle et Daniel Reboux.

Perspectives

Selon un de nos interlocuteurs que nous avons contactés sur ce projet et que nous remercions : « les principaux gisements pour le développement de l’hydroélectricité (en Sarthe) se trouvent notamment dans l’optimisation des centrales existantes en augmentant la productivité et la réhabilitation/réactivation des sites anciennement exploités. Malheureusement, au regard de la faible hauteur de chute des seuils de nos cours d’eau [6], le potentiel énergétique industriel (+ de 200 kW) reste faible sur le département. Pour autant, avec de bonnes volontés, des projets hydroélectriques de moindre capacité sont possibles, permettant aux propriétaire de moulins ou d’anciennes centrales hydroélectriques de vendre leur électricité ou de l’autoconsommer… »

À bon entendeur… Mais dores et déjà, d’autres projets sont instruits, comme au moulin de la Rochette, à Sceaux-sur-Huisne (plus proche des centrales de la Mayenne, cf. note 6), etc.


Nous reviendrons évidemment sur cette installation, sa production, les investissements, l’emploi (maintenance), les retours pour les collectivités, etc., probablement lors de son raccordement au réseau. Les plus pressés, curieux et/ou techniquement avertis voulant optimiser leur connaissance sur le sujet pourront utilement consulter l’arrêté d’autorisation de la préfecture du 31 mars 2016, ici : .


[1] Bien qu’il convienne d’abord de réduire au maximum la quantité de nos déchets, de maîtriser notre consommation, de combattre l’obsolescence programmée, d’imposer la réparabilité, le suremballage…

[2] En amont du Mans, deux passerelles à ossature métallique et tablier en bois se partagent un double franchissement insolite et méconnu du lit de la Sarthe. L’une entre Sainte-Jamme et Montbizot (lieuxdits Antoigné [rive droite] et les Graves [rive gauche]), la seconde à Montreuil (entre La Guierche et Neuville-sur-Sarthe). La première est située entre le monastère de la Merci-Dieu, à Saint-Jean-d’Assé, et l’ancienne baignade dite « Robinson », à Sainte-Jamme. Pour y accéder, le plus simple est de longer le terrain de football de Sainte-Jamme (sans bifurquer à droite du chemin de randonnée de la commune).

[3] Peu diversifiée, sa production s’était spécialisée sur le segment des radiateurs en fonte. Ce n’est évidemment pas l’unique raison de son déclin, mais la société n’avait notamment pas su anticiper la mutation ourdie et imposée par les nucléocrates et leurs obligés politiques vers la systématisation du chauffage électrique (interdit et/ou limité chez beaucoup de nos voisins) dans le seul dessein d’absorber la surproduction de nos beaucoup trop nombreuses centrales nucléaires.

[4] Il est notable que le commissaire-enquêteur, puis le Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) ont émis un avis favorable. Étudié depuis début 2013, le projet avait été déposé à la DDT 72 (Direction départementale du territoire) en mars 2015 et l’arrêté préfectoral accordé fin mars 2016.

[5] On parle de pico-centrale pour des puissances inférieures à 20 kW et de micro-centrale pour des puissances installées entre 20 et 500 kW. En Sarthe, le moulin du Gord est aussi dans cette tranche, c’est ici :  et plus loin, celui d’Entrammes (Mayenne), là : .

[6] Plutôt élevée, ici, à Antoigné, la hauteur de chute brute en eaux moyennes est de 2,30 m. Cette hauteur détermine amplement l’éventail des possibilités technologiques disponibles, comme celle développée par EdF (SHEMA) sur la Mayenne, c’est là : .


Crédit photos : SdN 72.